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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

Cinq jours après leur départ, le Santa-Fé reparaissait dans la matinée à l’ouvert de la baie d’Elgor, et venait reprendre son mouillage dans la crique. Les ouvriers qu’il amenait, le matériel qu’il transportait, furent débarqués. L’emplacement étant choisi sur le terre-plein, les travaux de construction furent aussitôt commencés, et, on le sait, conduits rapidement.

C’est ainsi que la bande Kongre fut obligée de se réfugier au cap Saint-Barthélemy. Un ruisseau, alimenté par la fonte des neiges, lui fournit la quantité d’eau nécessaire. La pêche et, dans une certaine mesure, la chasse lui permirent d’économiser les provisions dont elle s’était pourvue avant de quitter la baie d’Elgor.

Mais avec quelle impatience Kongre, Carcante et leurs compagnons attendaient-ils que le phare fût achevé et que le Santa-Fé partît pour ne revenir que trois mois après, lorsqu’il ramènerait la relève.

Il va de soi que Kongre et Carcante se tenaient au courant de tout ce qui se faisait au fond de la baie. Soit en longeant le littoral au sud ou au nord, soit en s’approchant par l’intérieur, soit en observant des hauteurs qui bordent au sud le havre New-Year, ils purent se rendre compte de l’état des travaux, savoir à quelle époque ils prendraient fin. C’est alors que Kongre mettrait à exécution un projet longuement médité. Et qui sait, ensuite, si, maintenant qu’elle serait éclairée, un navire ne relâcherait pas dans la baie d’Elgor, navire dont il parviendrait à s’emparer après en avoir surpris et massacré l’équipage ?

Quant à une excursion que les officiers de l’aviso auraient voulu faire à l’extrémité occidentale de l’île, Kongre ne pensa pas qu’il eût lieu de la craindre. Personne ne serait tenté, cette année du moins, de s’aventurer jusqu’aux environs du cap Gomez à travers ces plateaux dénudés, ces ravins presque impraticables, toute cette partie montagneuse qu’il faudrait franchir au prix d’énormes fatigues. Il est vrai, peut-être le commandant de l’aviso aurait-il