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LA BANDE KONGRE.

compagnons, mais à l’entrée, ce qui lui convenait mieux pour ses projets, de manière à surveiller le cap San Juan. Le hasard lui fit découvrir une caverne, dont l’orifice se cachait sous d’épaisses plantes marines, laminaires et goémons, suffisamment spacieuse pour loger toute la bande. En retour d’un contrefort de la falaise sur la rive nord de la baie, elle n’avait rien à craindre des vents du large. On y transporta tout ce qui, provenant des naufrages, pouvait servir à la meubler, de la literie, des vêtements, et aussi en quantité, des conserves de viandes, des caisses de biscuit, des fûts d’eau-de-vie et de vin. Une seconde grotte, voisine de la première, servit à emmagasiner celles de ces épaves qui avaient une valeur particulière, comme l’or, l’argent, les bijoux précieux trouvés sur les grèves. Si plus tard Kongre parvenait à s’emparer d’un navire traîtreusement attiré dans la baie, il le chargerait de tout ce pillage et retournerait dans ces îles du Pacifique, théâtre de ses premières pirateries.

Jusqu’alors, l’occasion ne s’étant pas offerte, ces malfaiteurs n’avaient pu quitter l’Île des États. Il est vrai, dans l’espace de deux années, leur richesse ne cessa de s’accroître. D’autres naufrages se produisirent dont ils tirèrent grand profit. Et même, à l’exemple des pilleurs d’épaves sur certaines côtes dangereuses de l’Ancien et du Nouveau Monde, souvent ils provoquèrent ces catastrophes. La nuit, alors que les tourmentes de l’Est faisaient rage, si un bâtiment se présentait en vue de l’île, ils l’attiraient avec des feux allumés en direction des récifs et si, exceptionnellement, un des naufragés parvenait à se sauver des lames, il était aussitôt massacré. Telle fut l’œuvre criminelle de ces bandits dont on ignorait même l’existence.

Cependant, la bande continuait d’être prisonnière dans l’île. Kongre avait bien pu provoquer la perte de quelques navires, mais non les attirer dans la baie d’Elgor, où il aurait tenté de s’en emparer. D’autre part, aucun bâtiment n’était venu de lui-même en relâche au fond de la baie, peu connue des capitaines,