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IV

LA BANDE KONGRE.

Si Vasquez, Felipe et Moriz se fussent transportés à l’extrémité occidentale de l’Île des États, ils auraient constaté combien ce littoral différait de celui qui s’étendait entre le cap Saint-Jean et la pointe Several. Ce n’étaient que falaises s’élevant jusqu’à deux cents pieds de hauteur, la plupart coupées à pic et se prolongeant sous des eaux profondes, incessamment battues d’un violent ressac, même par temps calme.

En avant de ces falaises arides, dont les brisures, les interstices, les failles, abritaient des myriades d’oiseaux de mer, se détachaient nombre de bancs de récifs, dont quelques-uns arrivaient jusqu’à deux milles au large à marée basse. Entre eux sinuaient d’étroits canaux, des passes impraticables, si ce n’est à de légères embarcations. Çà et là des grèves, des tapis de sable, où touffaient quelques maigres plantes marines, semées de coquilles écrasées par le poids des lames au plein de la mer. Les cavernes ne manquaient pas à l’intérieur de ces falaises, grottes profondes, sèches, obscures, d’orifice resserré, dont l’intérieur n’était ni balayé par les rafales ni inondé par la houle, même aux redoutables époques de l’équinoxe. On y accédait en traversant des raidillons pierreux, des éboulis de rocs que les gros flux dérangeaient parfois. Des ravins rudes à gravir donnaient accès jusqu’à la crête, mais, pour atteindre le plateau du centre de l’île, il aurait fallu franchir des crêtes de plus de neuf cents mètres d’altitude, et la distance n’eût pas été moindre