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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

On chercherait vainement un cours d’eau régulier à la surface de l’Île des États. Ni rivière, ni ruisseau sourdant hors de ce sol pierreux. Mais la neige s’y accumule en couches épaisses ; elle persiste pendant huit mois sur douze, et, à l’époque de la saison chaude — moins froide serait plus exact — elle fond sous les obliques rayons du soleil, et entretient une humidité permanente. Alors se forment çà et là de petits lagons, des étangs, dont l’eau se conserve jusqu’aux premiers gels. C’est ainsi que, au moment où commence cette histoire, des masses liquides tombaient des hauteurs voisines du phare et allaient se perdre en rebondissant dans la petite crique de la baie d’Elgor ou dans le Havre Saint-Jean.

En revanche, si la faune et la flore sont à peine représentées dans cette île, le poisson abonde sur tout le littoral. Aussi, malgré les dangers très sérieux que courent leurs embarcations, en traversant le détroit de Lemaire, les Fuégiens y viennent quelquefois faire de fructueuses pêches. Les espèces y sont très variées, merluches, tiburons, éperlans, loches, bonites, dorades, gobies, mulets. La grande pêche pourrait même y attirer de nombreux navires, car, à cette époque du moins, les cétacés, baleines, cachalots, et aussi phoques et morses, fréquentaient volontiers ces parages. Ces animaux marins ont été pourchassés avec une telle imprévoyance qu’ils se réfugient à présent dans les mers antarctiques où les campagnes sont aussi périlleuses que pénibles.

On le comprendra sans peine, sur tout le périmètre de cette île, où se succèdent les grèves, les anses, les bancs rocheux, les coquilles fourmillent non moins que les coquillages, bivalves ou autres, moules, vignots, huîtres, patelles, fissarelles, buccins, et c’est par milliers que les crustacés se faufilent entre les récifs.

Quant à la gent volatile, elle est innombrablement représentée par les albatros d’une blancheur de cygne, les bécassines, les pluviers, les chevaliers, les alouettes de mer, les mouettes