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L’ÎLE DES ÉTATS.

En réalité, la surface de ces plaines et de ces bois ne comprend pas le quart de la superficie de l’Île des États. Le reste n’est que plateaux rocheux où domine le quartz, gorges profondes, longues traînées de blocs erratiques, qui se sont éparpillés à la suite d’éruptions très anciennes, car, maintenant, on chercherait vainement des cratères de volcans éteints dans cette partie de la Fuégie ou de la Magellanie. Vers le centre de l’île, les plaines largement développées prennent des apparences de steppes, lorsque, pendant les huit mois de l’hiver, aucune tumescence ne trouble l’uniformité de la couche de neige qui les recouvre. Puis, à mesure que l’on s’avance vers l’ouest, le relief de l’île s’accentue, les falaises du littoral sont plus hautes et plus escarpées. Là se dressent des cônes sourcilleux, des pics dont l’altitude considérable atteint jusqu’à trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer, et qui permettraient au regard d’embrasser l’île tout entière. Ce sont les derniers anneaux de cette prodigieuse chaîne andine qui, du nord au sud, constitue comme la gigantesque ossature du nouveau continent.

Assurément, dans de semblables conditions climatériques, sous le souffle des âpres et terribles ouragans, la flore de l’île se réduit à de rares échantillons, dont les espèces ne s’acclimatent guère au voisinage du détroit de Magellan ou dans l’archipel des Malouines distant de la côte fuégienne d’environ cent lieues marines. Ce sont des calcéolaires, cytises, pimprenelles, bromes, véroniques, stipals chez lesquels la matière colorante ne se forme qu’à un faible degré. Sous le couvert des bois, entre les herbes des prairies, ces pâles florules montrent leurs corolles presque aussitôt fanées qu’écloses. Au pied des roches littorales, sur leurs déclivités où s’attache un peu d’humus, le naturaliste pourrait encore recueillir quelques mousses, et, à l’abri des arbres, certaines racines comestibles, celles d’une azalée, par exemple, dont les Pécherais se servent en guise de pain, mais toutes peu nourrissantes en somme.