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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

la mer qui se confondait avec le ciel dans le nord-est et dans l’est, quelques petits nuages réfléchissaient les derniers rayons, qui ne tarderaient pas à s’éteindre dans les ombres du crépuscule, d’assez longue durée sous cette haute latitude du cinquante-cinquième degré de l’hémisphère austral.

Au moment où le disque solaire ne montrait plus que sa partie supérieure, un coup de canon retentit à bord de l’aviso Santa-Fé, et le pavillon de la République Argentine, se déroulant à la brise, fut hissé à la corne de brigantine.

Au même instant jaillit une vive lumière au sommet du phare construit à une portée de fusil en arrière de la baie d’Elgor, dans laquelle le Santa-Fé avait pris son mouillage. Deux des gardiens, les ouvriers réunis sur la grève, l’équipage rassemblé à l’avant du navire, saluaient de longues acclamations le premier feu allumé sur cette côte lointaine.

Deux autres coups de canon leur répondirent, plusieurs fois répercutés par les bruyants échos du voisinage. Les couleurs de l’aviso furent alors amenées, conformément aux règles des bâtiments de guerre, et le silence reprit cette Île des États située au point où se rencontrent les eaux de l’Atlantique et du Pacifique.

Les ouvriers embarquèrent aussitôt à bord du Santa-Fé, et il ne resta à terre que les trois gardiens.

L’un étant à son poste, dans la chambre de quart, les deux autres ne regagnèrent pas tout de suite leur logement et se promenèrent en causant le long du rivage.

« Eh bien ! Vasquez, dit le plus jeune des deux, c’est demain que l’aviso va prendre la mer…

— Oui, Felipe, répondit Vasquez, et j’espère qu’il n’aura pas une mauvaise traversée pour rentrer au port…

— Il y a loin, Vasquez !…

— Pas plus quand on en vient que quand on y retourne, Felipe.

— Je m’en doute un peu, répliqua Felipe en riant.