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l’invasion de la mer

depuis le golfe de Gabès jusqu’au littoral de l’Atlantique ! comme cela a dû exister en certaines périodes géologiques.

— Décidément, déclara en souriant l’officier, les ingénieurs modernes ne respectent plus rien ! Si on les laissait faire, ils combleraient les mers avec les montagnes et notre globe ne serait qu’une boule lisse et polie comme un œuf d’autruche, convenablement disposée pour l’établissement de chemins de fer !

Et l’on peut tenir pour certain que, pendant les quelques semaines de leur voyage à travers le Djerid, l’ingénieur et l’officier ne verraient point les choses sous le même angle ; mais ils n’en seraient pas moins bons amis.

La traversée de l’oasis de Gabès se fit au milieu d’un pays charmant. C’est là que se rencontrent les spécimens des diverses flores africaines entre les sables maritimes et les dunes du désert. Les botanistes y ont recueilli cinq cent soixante-trois espèces de plantes. Ils n’ont pas à se plaindre, les habitants de cette oasis fortunée, et la nature ne leur a point épargné ses faveurs. Si les bananiers, les mûriers, la canne à sucre sont rares, du moins trouve-t-on en abondance figuiers, amandiers, orangers qui se multiplient sous les hauts éventails d’innombrables dattiers, sans parler des coteaux riches en vignobles, et des champs d’orge qui se développent à perte de vue. D’ailleurs, le Djerid, le pays des dattes, compte plus d’un million de ces arbres, dont il existe cent cinquante variétés, et leur fruit, entre autres la « datte-lumière », à chair transparente, est de qualité supérieure.

Au-delà des extrêmes limites de cette oasis, en remontant le cours de l’Oued Melah, la caravane s’engagea dans l’aride partie du seuil à travers laquelle s’allongeait le nouveau canal. C’est là que les travaux avaient exigé le concours de milliers de bras. Mais, malgré bien des complications, les travailleurs, en fin de compte, n’avaient point manqué, et, à un prix peu élevé, la Compagnie Franco-étrangère avait pu embaucher des Arabes