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l’invasion de la mer

vastes plantations de dattiers qui sont la richesse du pays.

Puis, des critiques, sérieux cependant, ont assuré que les eaux de la mer n’arriveraient jamais aux dépressions, et qu’elles s’évaporeraient quotidiennement à travers le canal. Or, en Égypte, sous les rayons ardents d’un soleil qui vaut bien celui du Sahara, le lac Menzaleth, que l’on disait devoir être irremplissable, s’est pourtant rempli, bien que la section du canal ne fût alors que de cent mètres.

Puis, l’on a argué de l’impossibilité, ou tout au moins des difficultés coûteuses qu’éprouverait le percement du canal. Mais, vérification faite, il s’est trouvé que le sol, depuis le seuil de Gabès jusqu’aux premières dépressions, était de nature si tendre que la sonde parfois s’y enfonçait toute seule par son propre poids.

Puis, les pronostics les plus fâcheux d’être mis en avant par les détracteurs de l’œuvre :

Les bords des chotts étant très plats, ils ne tarderaient pas à se transformer en marécages, autant de foyers pestilentiels, qui infecteraient encore la région. Les vents dominants, au lieu de souffler du sud ainsi que le prétendaient les auteurs du projet, souffleraient plutôt du nord. Les pluies fournies, par l’évaporation de la nouvelle mer, au lieu de retomber sur les campagnes de l’Algérie et de la Tunisie, iraient inutilement se perdre sur les immenses plaines sablonneuses du grand désert.

Ces critiques furent comme le point de départ d’une période néfaste, où se produisirent des événements bien faits pour évoquer l’idée de fatalité, dans ces contrées où le fatalisme règne en maître – événements qui sont restés gravés dans la mémoire de tous ceux qui ont alors vécu en Tunisie.

Les projets du commandant Roudaire avaient séduit l’imagination des uns et sollicité la passion spéculatrice des autres. M. de Lesseps, un des premiers, avait pris l’affaire à cœur jusqu’au moment où il en fut détourné par le percement de l’isthme de Panama.