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l’invasion de la mer

pas difficile d’entrer en communication avec son chef. Quoi de plus naturel que deux hommes de même race fussent attirés l’un vers l’autre ? On ignorait que ce Harrig appartînt à la bande de Hadjar. Il avait pu s’échapper, lors de la lutte, et accompagner Djemma dans sa fuite. Puis, revenu à Gabès, conformément au plan convenu avec Sohar et Ahmet, il mit à profit son incarcération pour combiner l’évasion de Hadjar.

Toutefois, il importait qu’il fût libéré avant l’arrivée du croiseur qui devait emmener le chef touareg, et voici que ce navire, signalé à son passage au cap Bon, allait mouiller dans le golfe de Gabès. Donc nécessité que Harrig pût quitter le bordj à temps pour se concerter avec ses compagnons. Il fallait que l’évasion s’accomplît cette nuit, ou, le jour venu, il serait trop tard. Au lever du soleil, Hadjar aurait été transporté à bord du Chanzy, et il ne serait plus possible de l’arracher à l’autorité militaire.

C’est dans ces conditions que le mercanti intervint : il connaissait le gardien chef de la prison du bordj. À la suite de la rixe, la peine légère prononcée contre Harrig était achevée depuis la veille, mais Harrig, si impatiemment attendu, n’avait pas été mis en liberté. Avait-il donc encouru une aggravation pour un manquement quelconque au règlement de la prison, ce n’était guère supposable, il fallait savoir à quoi s’en tenir et surtout obtenir que les portes du bordj se fussent ouvertes devant Harrig avant la nuit.

Le mercanti résolut donc de se rendre près du gardien, lequel, pendant ses heures de loisir, venait volontiers s’attabler à son café. Il se mit en route dès le soir et prit le chemin du fort.

Cette démarche près du gardien ne fut pas nécessaire, démarche qui, plus tard, l’évasion accomplie, aurait pu sembler suspecte. Comme le mercanti approchait de la poterne, un homme le croisa sur le chemin.

C’était Harrig qui reconnut le Levantin. Tous deux, seuls alors sur le sentier qui descend du bordj, ils n’avaient à craindre