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l’invasion de la mer

Le monde des géographes ne savait donc que supposer, et commençait à perdre l’espoir, non seulement de revoir Carl Steinx, mais aussi de recueillir, quelque bruit le concernant, lorsque, trois mois plus tard, l’arrivée d’un Arabe à Ouargla vint éclaircir le mystère qui entourait cette malheureuse expédition.

Cet Arabe, qui appartenait précisément au personnel de la caravane, avait pu s’échapper. On sut par lui que les Touareg entrés au service de l’explorateur l’avaient trahi. Carl Steinx, égaré par eux, s’était vu attaquer par une bande de Touareg, qui opérait sous la conduite de ce chef de tribus, Hadjar, déjà célèbre par ces agressions dont plusieurs kafila avaient été victimes. Carl Steinx s’était courageusement défendu avec les fidèles de son escorte. Pendant quarante-huit heures, retranché dans une kouba abandonnée, il avait pu tenir tête aux assaillants. Mais l’infériorité numérique de sa petite troupe ne lui permit pas de résister davantage, et il tomba entre les mains des Touareg, qui le massacrèrent avec ses compagnons.

On comprend quelle émotion provoqua cette nouvelle. Il n’y eut qu’un cri : venger la mort du hardi explorateur, et la venger sur cet impitoyable chef touareg, dont le nom fut voué à l’exécration publique. Et, d’ailleurs, combien d’autres attentats contre les caravanes lui étaient attribués non sans raison ! Aussi les autorités françaises décidèrent-elles d’organiser une expédition pour s’emparer de sa personne, le châtier de tant de crimes, anéantir en même temps la funeste influence qu’il exerçait sur les tribus. On ne l’ignorait pas, ces tribus gagnaient peu à peu vers l’est du continent africain ; leur habitat tendait à s’établir dans les régions méridionales de la Tunisie et de la Tripolitaine. Le considérable commerce qui se faisait à travers ces contrées risquerait d’être troublé, détruit même, si l’on ne réduisait pas les Touareg à un état absolu de soumission. Une expédition fut donc ordonnée et le gouverneur général de l’Algérie comme le résident général en Tunisie donnèrent des ordres pour qu’elle reçût appui dans les