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dénouement.

Melrir était devenu lac, comme le Rharsa, sans doute. Et même jusqu’où l’inondation s’était elle étendue, si les talus du canal avaient été rompus sur toute sa longueur ?

Nefta et autres bourgades n’avaient-elles pas été détruites soit par le phénomène sismique, soit par le mascaret qui l’avait suivi ?… Enfin, le désastre ne s’était-il pas étendu à toute cette partie du Djerid jusqu’au golfe de Gabès ?

Cependant le soir approchait et, après le repas de la matinée, le capitaine Hardigan et ses compagnons n’avaient plus rien à manger. Ainsi qu’ils l’avaient constaté en prenant pied sur le tell, aucun fruit ne pendait aux branches, rien que du bois mort. Et pas un oiseau, pas même un de ces habibis dont il passait des bandes au loin, ne venait se poser sur cet îlot ; pas un de ces étourneaux dont se fût contenté un estomac torturé par la faim. Et, s’il se rencontrait déjà quelques poissons sous ces eaux nouvelles, en vain le brigadier Pistache chercha-t-il à s’en assurer ; et puis la soif, comment l’apaiser, puisque cette nappe liquide avait maintenant la salure de la mer ?…

Or, vers sept heures et demie, au moment où les derniers rayons solaires allaient s’éteindre, voici que M. François, qui regardait dans la direction du nord-est, dit d’une voix dans laquelle d’ailleurs on n’eût pas surpris la moindre émotion :

« Une fumée…

— Une fumée ?… s’écria le brigadier Pistache.

— Une fumée », répéta M. François.

Tous les yeux se portèrent dans la direction indiquée.

Pas d’erreur, c’était bien une fumée que le vent rabattait vers le tell et elle se voyait assez distinctement déjà.

Les fugitifs restaient muets, saisis de la crainte que cette fumée ne vînt à disparaître et que le navire d’où elle s’échappait ne mît le cap au large, s’éloignant du tell !…

Ainsi donc, l’explication donnée par l’ingénieur était la vraie !… Ses prévisions venaient de se réaliser !…