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l’invasion de la mer

Et alors un des spahis de s’écrier :

« Est-ce que ces bêtes vont se diriger vers nous ?

— Et comment fuir ? » ajouta l’autre.

En ce moment, la bande n’était pas à un kilomètre et se rapprochait avec la rapidité d’un express. Mais il ne sembla pas que ces animaux, dans leur fuite éperdue, eussent aperçu les six hommes qui s’étaient réfugiés sur le tell. En effet, dans un même mouvement, ils obliquèrent vers la gauche et finirent par disparaître au milieu d’un tourbillon de poussière.

Du reste, sur l’ordre du capitaine Hardigan, ses compagnons s’étaient couchés au pied des arbres afin de n’être point découverts. C’est alors qu’ils virent passer au loin des bandes de flamants qui détalaient aussi, tandis que des milliers d’oiseaux fuyaient à grands coups d’aile vers les rives du Melrir.

« Mais qu’y a-t-il donc ?… » ne cessait de répéter le brigadier Pistache.

Il était quatre heures de l’après-midi et la cause de cet étrange exode ne tarda pas à se révéler.

Du côté de l’est, une nappe liquide commençait à s’étendre à la surface du chott et la plaine sablonneuse fut bientôt inondée tout entière, mais seulement sous une mince couche d’eau. Les efflorescences salines avaient peu à peu disparu jusqu’à l’extrême portée du regard et c’était un immense lac qui réverbérait alors les rayons du soleil.

« Est-ce que les eaux du golfe auraient envahi le Melrir ?… dit le capitaine Hardigan.

— Je ne le mets plus en doute, répondit l’ingénieur. Ces rumeurs souterraines que nous avons entendues provenaient d’un tremblement de terre… Des perturbations considérables se sont produites dans le sol. Il en est résulté un abaissement des fonds du Melrir et peut-être de toute cette partie est du Djerid… La mer, après avoir rompu ce qui restait du seuil de Gabès, l’aura inondé jusqu’au Melrir ! »