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le tell.

çois, les deux spahis, marchaient en file à pas comptés. Le sol devenait de plus en plus mauvais. La croûte cédait sous le pied, les sables fléchissaient en dessous, laissant monter l’eau qui les pénétrait. Par instants, même, on enfonçait jusqu’au genou dans la couche fluide, et il n’était pas facile de s’en retirer. Il arriva même que M. François, s’étant trop écarté de la passe, s’enlisa jusqu’à mi-corps, et son engloutissement eût été complet dans un de ces trous, ces « œils de mer » dont il a été déjà parlé, s’il n’eût étendu les bras.

« À moi… à moi !… cria-t-il en se débattant de son mieux.

— Tenez bon… tenez bon !… » cria à son tour Pistache.

Et, comme il se trouvait en avant, le brigadier s’arrêta et revint sur ses pas pour le secourir. Tous firent halte en même temps que lui. Mais il avait été devancé par Coupe-à-cœur qui, en quelques bonds, eut rejoint le malheureux M. François dont la tête et les bras émergeaient seuls, et qui se cramponna fortement au cou du robuste animal.

Enfin, le digne homme sortit de cette fondrière tout humide, tout englué de marne.

Et, bien que ce ne fût pas l’instant de plaisanter, Pistache de lui dire :

« Il n’y avait rien à craindre, monsieur François, et, si Coupe-à-cœur ne m’eût pas prévenu, je vous aurais tiré de là, rien qu’en vous empoignant par votre barbe ! »

Ce que fut le cheminement ou, terme plus exact, le glissement pendant une heure encore à la surface de cette outtâ, on ne saurait s’en rendre compte. Les fugitifs ne pouvaient plus avancer sans risquer de s’enliser jusqu’à mi-corps. Ils rampaient sur le sable, les uns près des autres, afin de se soutenir mutuellement en cas de besoin. En cette partie de la dépression, le fond continuait à s’abaisser. C’était comme une vaste cuvette où devaient s’accumuler les eaux des ras qu’alimentait le réseau hydrographique du chott.