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l’invasion de la mer

Telle était, de fait, la situation, il fallait bien le reconnaître.

On ne l’a point oublié, depuis leur départ, Coupe-à-cœur avait suivi les prisonniers jusqu’à Zenfig, sans que les Touareg eussent voulu le chasser. Mais, lorsque le capitaine Hardigan et ses compagnons furent conduits au bordj, on ne laissa point le fidèle animal les y rejoindre. Était-ce intentionnellement ?… Il eût été difficile de se prononcer. Ce qui n’est pas douteux, c’est que tous regrettaient de ne point l’avoir avec eux. Et, pourtant, s’il eût été là, quel service aurait-il pu leur rendre, si intelligent et si dévoué qu’il fût ?…

« On ne sait pas… on ne sait pas… répétait le brigadier Pistache en causant avec M. François. Les chiens… ils ont des idées d’instinct que n’ont pas les hommes. En parlant à Coupe-à-cœur de son maître Nicol, de son ami Va-d’l’avant, peut-être que de lui-même il se lancerait à leur recherche ? Il est vrai que, puisque nous ne pouvons sortir de cette maudite cour, Coupe-à-cœur ne le pourrait pas non plus !… N’importe, je voudrais l’avoir ici !… Et pourvu que ces brutes ne lui fassent point de mal ! »

M. François se contenta de hocher la tête sans répondre, en frottant son menton et ses joues, déjà rudes sous la poussée des premiers poils.

Les prisonniers, ayant vainement attendu qu’on leur apportât quelque nourriture, n’avaient plus qu’à prendre un peu de repos dont ils sentaient grand besoin. Après s’être étendus sur les bottes d’alfa, tous parvinrent à s’endormir plus ou moins tard, et ils se réveillèrent d’une assez mauvaise nuit dès la pointe du jour.

« De ce que nous n’avons pas soupé hier soir, objecta justement M. François, faut-il en conclure que nous ne déjeunerons pas ce matin ?…

— Ce serait fâcheux, je dirais même déplorable !… » répliqua le brigadier Pistache qui bâillait à se décrocher les mâchoires, non pas de sommeil, cette fois, mais de faim.