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de moitié. Toutefois, la surveillance ne serait à maintenir que sur les diverses stations des deux canaux, et non sur la patrie inondable des chotts. Il est vrai, les deux cent vingt-sept kilomètres du premier, les quatre-vingts du second, c’était là une longue ligne à garder pendant longtemps.

Et, pour répondre à la remarque que lui fit à ce sujet le capitaine Hardigan, l’ingénieur ne put que lui répéter ce qu’il avait dit déjà relativement à l’inondation des chotts :

« J’ai toujours l’idée que ce sol du Djerid, dans la partie comprise entre le littoral et le Rharsa et le Melrir, nous réserve des surprises. Ce n’est, en réalité, qu’une croûte salifère, et j’ai moi-même constaté qu’elle subissait certaines oscillations d’une amplitude assez considérable… Il est donc admissible que le canal s’élargira et se creusera au passage des eaux, et c’est sur cette éventualité que Roudaire comptait, non sans raison, pour compléter les travaux. La nature collaborerait avec le génie humain que je n’en serais nullement étonné… Quant aux dépressions, ce sont les lits desséchés d’anciens lacs et, soit brusquement, soit graduellement, ils s’approfondiront sous l’action des eaux au-delà de la cote actuellement prévue. Ma conviction est donc que l’inondation complète prendra moins de temps qu’on ne le suppose. Je le répète, le Djerid n’est point à l’abri de certaines commotions sismiques et ces mouvements ne peuvent que le modifier dans un sens favorable à notre entreprise ! Enfin, mon cher capitaine, nous verrons… nous verrons !… Moi, je ne suis pas de ceux qui se défient de l’avenir, mais de ceux qui comptent sur lui !… Et que diriez-vous si, avant deux ans, avant un an, toute une flottille marchande sillonnait la surface du Rharsa et du Melrir remplis à pleins bords ?

— J’accepte vos hypothèses, mon cher ami, répondit le capitaine Hardigan. Mais, que ce soit dans deux ans ou dans un an qu’elles se réalisent, il n’en faudra pas moins protéger par des forces suffisantes les travaux et les travailleurs…