Page:Verne - L’Invasion de la mer.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
l’invasion de la mer

l’officier n’en voulait rien laisser voir, nul doute qu’il n’éprouvât la même défiance. Aussi avait-il hâte d’avoir rejoint l’ingénieur et le capitaine Hardigan. On déciderait alors ce qu’il conviendrait de faire, puisque l’équipe ne pouvait dès le lendemain être remise au chantier.

Les chevaux allaient rapidement. On les sentait surexcités par l’orage qui ne tarderait pas à se déchaîner. La tension électrique était extrême, et maintenant les nuages s’étendaient d’un horizon à l’autre. Des éclairs les déchiraient, s’entrecroisant à travers l’espace, et la foudre grondait avec ces éclats terribles, particuliers aux plaines du désert, où elle ne trouve aucun écho pour les répercuter. Du reste, pas le plus léger souffle de vent, ni une seule goutte de pluie. On étouffait au milieu de cette atmosphère brûlante, et les poumons ne respiraient qu’un air de feu.

Cependant, le lieutenant Villette et ses compagnons, au prix de grandes fatigues, effectueraient leur retour, sans trop de retard, si l’état atmosphérique n’empirait pas. Ce qu’ils devaient surtout craindre, c’était que l’orage ne tournât à la tempête. Le vent d’abord, la pluie ensuite, pouvaient survenir, et où chercheraient-ils refuge au milieu de cette plaine aride, qui n’offrait pas un arbre ?

Il importait donc d’avoir rallié le kilomètre 347 dans le plus bref délai. Mais les chevaux étaient incapables de répondre aux appels de leurs cavaliers. En vain l’essayaient-ils ! Par instant, ils s’arrêtaient comme si leurs pieds eussent été entravés, et leurs flancs saignaient sous l’éperon. D’ailleurs, les hommes eux-mêmes ne tardèrent pas à se sentir impuissants, hors d’état de franchir les derniers kilomètres du parcours. Va-d’l’avant, si vigoureux, cependant, était épuisé, et, à chaque pas, son maître pouvait craindre qu’il ne s’abattît sur le sable surchauffé du sol !

Toutefois, avec les encouragements, avec les excitations du lieutenant, vers six heures du soir, les trois quarts de la route