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l’oasis de gabès.

Djemma l’attira près d’elle, le pressa dans ses bras. Puis, rajustant le capuchon de son haïk, elle franchit le seuil.

Sohar la précédait de quelques pas, alors que tous deux se dirigeaient vers Gabès. Au lieu de suivre la lisière du littoral, le long du relais d’herbes marines laissées par la dernière marée sur la grève, ils suivaient la base des dunes, espérant être moins aperçus pendant ce trajet d’un kilomètre et demi. Là où était l’oasis, la masse des arbres, presque confondue dans l’ombre croissante, ne se présentait plus que confusément au regard. Aucune lumière ne brillait à travers l’obscurité. Dans ces maisons arabes, dépourvues de fenêtres, le jour ne se prend que sur les cours intérieures, et, lorsque la nuit est venue, aucune clarté ne s’échappe au dehors.

Cependant, un point lumineux ne tarda pas à apparaître au-dessus des contours vaguement entrevus de la ville. Le rayon, assez intense d’ailleurs, devait jaillir de la partie haute de Gabès, peut-être du minaret d’une mosquée, peut-être du château qui la dominait.

Sohar ne s’y trompa pas, et, montrant du doigt cette lueur :

« Le bordj… dit-il.

— Et c’est là, Sohar ?…

— Là… qu’ils l’ont enfermé, ma mère ! »

La vieille femme s’était arrêtée. Il semblait que cette lumière eût établi une sorte de communication entre son fils et elle. Assurément, si ce n’était pas du cachot où il devait être emprisonné que partait cette lumière, c’était du moins du fort où Hadjar avait été conduit. Depuis que le redoutable chef était tombé entre les mains des soldats français, Djemma n’avait plus revu son fils, et elle ne le reverrait jamais, à moins que, cette nuit même, il n’échappât par la fuite au sort que lui réservait la justice militaire. Elle restait donc comme immobilisée à cette place, et il fallut que Sohar lui répétât par deux fois :

« Venez, ma mère, venez ! »