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une excursion de douze heures.

gros nuages commencent à déborder dans le nord, et jusqu’ici le vent ne se fait point sentir.

— Eh, mon lieutenant, s’écria le maréchal des logis-chef, ces orages d’Afrique, ça n’a guère besoin de vent, et ça marche tout seul comme les paquebots de Marseille à Tunis !… à croire qu’ils ont une machine dans le ventre ! »

Quelle que fût l’ardeur de la température et quelque fatigue qu’il dût en résulter, le lieutenant Villette pressait la marche. Il avait hâte d’avoir achevé cette étape – une étape de vingt kilomètres, sans arrêt à travers cette plaine sans abri. Il espérait devancer l’orage, qui aurait tout le temps de se déchaîner pendant la halte de Gizeb. Ses spahis s’y reposeraient, ils se referaient avec les provisions emportées dans leur sac-musette. Puis, la grande chaleur méridienne passée, ils se remettraient en route vers quatre heures de l’après-midi, et, avant le crépuscule, ils seraient de retour au campement.

Cependant, les chevaux souffrirent tellement durant cette étape que leurs cavaliers ne purent les maintenir à l’allure du trot. L’air devenait irrespirable sous l’influence de cet orage menaçant. Ces nuages, qui auraient pu voiler le soleil, épais et lourds, ne montaient qu’avec une extrême lenteur, et le lieutenant aurait certainement atteint l’oasis bien avant qu’ils eussent envahi le ciel jusqu’au zénith. Là-bas, derrière l’horizon, ils n’échangeaient pas encore leurs décharges électriques et l’oreille n’entendait point les roulements lointains du tonnerre…

On allait, on allait toujours, et la plaine, brûlée de soleil, restait déserte, comme elle paraissait être sans fin.

« Eh ! l’Arbico, répétait le maréchal des logis-chef, en interpellant le guide, mais on ne l’aperçoit pas ta satanée oasis ?… Bien sûr, elle est là-haut, au milieu de ces nuages, et nous ne la verrons qu’au moment où ils crèveront sur nous…

— Tu ne t’es pas trompé de direction ?… demanda le lieutenant Villette à Mézaki.