Page:Verne - L’Invasion de la mer.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
l’invasion de la mer

« Et je vous connais bien, monsieur l’ingénieur, car je vous ai vu plus d’une fois, lorsque vous veniez dans la région. »

Il n’y avait pas à mettre en doute ce que disait Mézaki, il était un de ces nombreux Arabes que la Compagnie avait employés autrefois au creusement du canal entre le Rharsa et le Melrir et que les agents de la nouvelle Société de la mer Saharienne s’efforçaient soigneusement de recruter. C’était un homme vigoureux, ayant cette physionomie calme, qui est propre à tous ceux de sa race ; mais un regard vif, un regard de feu sortait de son œil noir.

« Eh bien… où sont tes camarades qui devaient s’installer au chantier ?… demanda M. de Schaller.

— Là-bas… du côté de Zéribet, répondit l’indigène, en tendant son bras vers le nord. Il y en a une centaine à l’oasis de Gizeb…

— Et pourquoi sont-ils partis ?… Est-ce que leur campement a été attaqué ?…

— Oui… par une bande de Berbères… »

Ces indigènes, berbères ou d’origine berbère, occupent le pays de l’Icham, région comprise entre le Touat au nord, Tombouctou au sud, le Niger à l’ouest, le Fezzan à l’est. Leurs tribus sont nombreuses, Arzchers, Ahaggars, Mahingas, Thagimas, presque toujours en lutte avec les Arabes, et principalement les Chaambas algériens, leurs plus grands ennemis.

Mézaki raconta alors ce qui s’était passé, au chantier, une huitaine de jours avant.

Plusieurs centaines de nomades, soulevés par leurs chefs, s’étaient jetés sur les travailleurs au moment de leur arrivée au chantier. De leur métier, conducteurs de caravanes, ils ne pourraient plus l’exercer, lorsque la marine marchande ferait tout le trafic intérieur de l’Algérie et de la Tunisie par la mer Saharienne. De là, accord de ces diverses tribus, devant la reprise des travaux, pour détruire le canal qui devait amener les eaux de la Petite-Syrte. L’équipe de Pointar n’était pas en