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la côte messénienne.

portée de la main deux verres et une bouteille de raki, violent alcool tiré de l’asphodèle. Des cigarettes du blond et parfumé tabac de Missolonghi furent roulées, allumées, aspirées ; puis, la conversation commença entre ces deux hommes, dont l’un se faisait volontiers le très humble serviteur de l’autre.

Mauvaise physionomie, basse, cauteleuse, intelligente toutefois, que celle de Skopélo. S’il avait cinquante ans, c’était tout juste, bien qu’il parût un peu plus âgé. Une figure de prêteur sur gages, avec de petits yeux faux mais vifs, des cheveux ras, un nez recourbé, des mains aux doigts crochus, et de longs pieds, dont on aurait pu dire ce que l’on dit des pieds des Albanais : « Que l’orteil est en Macédoine quand le talon est encore en Béotie. » Enfin, une face ronde, pas de moustaches, une barbiche grisonnante au menton, une tête forte, dénudée au crâne, sur un corps resté maigre et de moyenne taille. Ce type de juif arabe, chrétien de naissance cependant, portait un costume très simple — la veste et la culotte du matelot levantin — caché sous une sorte de houppelande.

Skopélo était bien l’homme d’affaires qu’il fallait pour gérer les intérêts de ces pirates de l’Archipel, très habile à s’occuper du placement des prises, de