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l’archipel en feu.

Tout l’immense écheveau des montagnes de l’Arcadie se déroulait alors à l’est. Villages perdus à mi-colline dans les massifs d’oliviers, d’amandiers et de vignes, ruisseaux coulant vers le lit de quelque tributaire, entre les bouquets de myrtes et de lauriers-roses ; puis, accrochés à toutes les hauteurs, sur tous les revers, suivant toutes les orientations, des milliers de plants de ces fameuses vignes de Corinthe, qui ne laissaient pas un pouce de terre inoccupé ; plus bas, sur les premières rampes, les maisons rouges de la ville, étincelant comme de grands morceaux d’étamine sur le fond d’un rideau de cyprès : ainsi se présentait ce magnifique panorama de l’une des plus pittoresques côtes du Péloponnèse.

Mais, à s’approcher plus près d’Arkadia, cette antique Cyparissia, qui fut le principal port de la Messénie au temps d’Épaminondas, puis, l’un des fiefs du Français Ville-Hardouin, après les Croisades, quel désolant spectacle pour les yeux, que de douloureux regrets pour quiconque aurait eu la religion des souvenirs !

Deux ans auparavant, Ibrahim avait détruit la ville, massacré enfants, femmes et vieillards ! En ruine, son vieux château, bâti sur l’emplacement de l’ancienne acropole ; en ruine, son église Saint-Georges, que de fanatiques musulmans avaient dé-