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la côte messénienne.

Navarin, sorte de grand lac maritime, encadré dans une bordure de hautes montagnes. Un instant, la ville, dominée par la masse confuse de sa citadelle, apparut à travers la percée d’une gigantesque roche. Là était l’extrémité de cette jetée naturelle, qui contient la fureur des vents du nord-ouest, dont cette longue outre de l’Adriatique verse des torrents sur la mer Ionienne.

Le soleil couchant éclairait encore la cime des dernières hauteurs, à l’est ; mais l’ombre obscurcissait déjà la vaste rade.

Cette fois, l’équipage aurait pu croire que la Karysta allait relâcher à Navarin. En effet, elle donna franchement dans la passe de Mégalo-Thouro, au sud de cette étroite île de Sphactérie, qui se développe sur une longueur de quatre mille mètres environ. Là se dressaient déjà deux tombeaux, élevés à deux des plus nobles victimes de la guerre : celui du capitaine français Mallet, tué en 1825, et, au fond d’une grotte, celui du comte de Santa-Rosa, un Philhellène italien, ancien ministre du Piémont, mort la même année pour la même cause.

Lorsque la sacolève ne fut plus qu’à une dizaine d’encablures de la ville, elle mit en travers, son foc bordé au vent. Un fanal rouge monta, comme l’avait fait la flamme noire, à l’extrémité de sa grande antenne.