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TRISTE MAISON D’UN RICHE.

la gravité de sa physionomie un peu triste. Comment en eût-il été autrement dans ce milieu où s’était écoulé son jeune âge, sans une mère pour la guider, sans une compagne avec laquelle elle pût échanger ses premières pensées de jeune fille ? Hadjine Elizundo était de taille moyenne mais élégante. Par son origine grecque, qu’elle tenait de sa mère, elle rappelait le type de ces belles jeunes femmes de Laconie, qui l’emportent sur toutes celles du Péloponnèse.

Entre la fille et le père, l’intimité n’était pas et ne pouvait être profonde. Le banquier vivait seul, silencieux, réservé, — un de ces hommes qui détournent le plus souvent la tête et voilent leurs yeux comme si la lumière les blessait. Peu communicatif, aussi bien dans sa vie privée que dans sa vie publique, il ne se livrait jamais, même dans ses rapports avec les clients de sa maison. Comment Hadjine Elizundo eût-elle éprouvé quelque charme à cette existence murée, puisque, entre ces murs, c’est à peine si elle trouvait le cœur d’un père !

Heureusement, près d’elle, il y avait un être bon, dévoué, aimant, qui ne vivait que pour sa jeune maîtresse, qui s’attristait de ses tristesses, dont la physionomie s’éclairait s’il la voyait sourire. Toute sa vie tenait dans celle d’Hadjine. À ce portrait, on