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l’archipel en feu.

conquis par les Croisés au commencement du treizième siècle, partagé en un grand nombre de fiefs au quinzième, ce pays, si éprouvé dans l’ancienne et la nouvelle ère, retomba au dernier rang entre les mains des Turcs et sous la domination musulmane.

Pendant près de deux cents ans, on peut dire que la vie politique de la Grèce fut absolument éteinte. Le despotisme des fonctionnaires ottomans, qui y représentaient l’autorité, passait toutes limites. Les Grecs n’étaient ni des annexés, ni des conquis, pas même des vaincus : c’étaient des esclaves, tenus sous le bâton du pacha, avec l’iman ou prêtre à sa droite, le djellah ou bourreau à sa gauche.

Mais toute existence n’avait pas encore abandonné ce pays qui se mourait. Aussi, allait-il de nouveau palpiter sous l’excès de la douleur. Les Monténégrins de l’Épire, en 1766, les Maniotes, en 1769, les Souliotes d’Albanie, se soulevèrent enfin, et proclamèrent leur indépendance ; mais, en 1804, toute cette tentative de rébellion fut définitivement comprimée par Ali de Tébelen, pacha de Janina.

Il n’était que temps d’intervenir, alors, si les puissances européennes ne voulaient pas assister au total anéantissement de la Grèce. En effet, réduite à ses seules forces, elle ne pouvait que mourir en essayant de recouvrer son indépendance.