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sacratif.

Le sang ne tarda pas à couler à flots sur le pont de la Syphanta. Les blessés, dans les convulsions de l’agonie, se redressaient encore pour donner un dernier coup de pistolet ou de poignard. Tout était confusion au milieu de la fumée. Mais le pavillon corfiote ne s’abaisserait pas tant qu’il resterait un homme pour le défendre !

Au plus fort de cette horrible mêlée, Xaris se battait comme un lion. Il n’avait pas quitté la dunette. Vingt fois, sa hache, retenue par l’estrope à son vigoureux poignet, en s’abattant sur la tête d’un pirate, sauva de la mort Henry d’Albaret.

Celui-ci, cependant, au milieu de ce trouble, ne pouvant rien contre le nombre, restait toujours maître de lui. À quoi songeait-il ? À se rendre ? Non. Un officier français ne se rend pas à des pirates. Mais alors, que ferait-il ? Imiterait-il cet héroïque Bisson, qui, dix mois auparavant, dans des conditions semblables, s’était fait sauter pour ne pas tomber entre les mains des Turcs ? Anéantirait-il, avec la corvette, les deux bricks accrochés à ses flancs ? Mais c’était envelopper dans la même destruction les blessés de la Syphanta, les prisonniers arrachés à Nicolas Starkos, ces femmes, ces enfants !… C’était Hadjine sacrifiée !… Et ceux qu’épargnerait l’explosion, si Sacratif leur laissait la vie, comment