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navire au large.

des plus curieux spécimens de ces gracieux navires qui louvoient par centaines dans les étroits parages de l’Archipel. Rien de plus élégant que ce léger bâtiment, se couchant et se redressant à la lame, se couronnant d’écume, bondissant sans effort, semblable à quelque énorme oiseau, dont les ailes eussent rasé la mer, qui brasillait alors sous les derniers rayons du soleil.

Bien que la brise tendît à fraîchir et que le ciel se couvrît d’« échillons », — nom que les Levantins donnent à certains nuages de leur ciel, — la sacolève ne diminuait rien de sa voilure. Elle avait même conservé son perroquet volant, qu’un marin moins audacieux eût certainement amené. Évidemment, c’était dans l’intention d’atterrir, le capitaine ne se souciant pas de passer la nuit sur une mer déjà dure et qui menaçait de grossir encore.

Mais, si, pour les marins de Vitylo, il n’y avait plus aucun doute sur ce point que la sacolève donnait dans le golfe, ils ne laissaient pas de se demander si ce serait à destination de leur port.

« Eh ! s’écria l’un d’eux, on dirait qu’elle cherche toujours à pincer le vent au lieu d’arriver !

— Le diable la prenne à sa remorque ! répliqua un autre. Va-t-elle donc virer et reprendre un bord au large ?