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NAVIRE AU LARGE.

pas donné. Aucun bâtiment n’était venu atterrir sur les rivages du Magne. Aussi, fut-ce comme une explosion de joie, lorsque le moine eut laissé échapper ces mots, entrecoupés de halètements asthmatiques :

« Navire en vue ! »

Presque aussitôt se firent entendre les battements sourds de la simandre, sorte de cloche de bois à lame de fer, en usage dans ces provinces, où les Turcs ne permettent pas l’emploi des cloches de métal. Mais ces lugubres coupetées suffisaient à rassembler une population avide, hommes, femmes, enfants, chiens féroces et redoutés, tous également propres au pillage et au massacre.

Cependant les Vityliens, réunis sur le haut rocher, discutaient à grands cris. Qu’était ce bâtiment signalé par le caloyer ?

Avec la brise de nord-nord-ouest qui fraîchissait à la tombée de la nuit, ce navire, bâbord amures, filait rapidement. Il pouvait même se faire qu’il enlevât le cap Matapan à la bordée. D’après sa direction, il semblait venir des parages de la Crète. Sa coque commençait à se montrer au-dessus du sillage blanc qu’il laissait après lui ; mais l’ensemble de ses voiles ne formait encore qu’une masse confuse à l’œil. Il était donc difficile de reconnaître à quel genre de bâtiment