Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ne disait-on pas, cependant, objecte M. Barsac — le ministre des Colonies lui-même a porté ces faits à la tribune de la Chambre, et le président de Conakry nous les a confirmés — que les abords du Niger étaient le théâtre d’événements des plus inquiétants ?

— Cela a été vrai autrefois, répond le lieutenant Lacour, qui sourit toujours, mais il n’en est plus question. C’est de l’histoire ancienne.

— Pourtant, nous avons pu constater nous-mêmes… insiste M. Barsac, qui met le lieutenant au courant de nos aventures.

Celui-ci n’en paraît pas troublé.

— Vous voyez bien, dit-il, que l’inconnu qui semble vous préoccuper plus que de raison est en somme un bien petit personnage. Comment ! il a, d’après vous, la prétention de vous barrer la route, et il n’a pas imaginé autre chose pour vous arrêter ?… Ce n’est pas sérieux, monsieur le député.

Comme ce sont là ses propres conclusions, M. Barsac ne trouve rien à répliquer.

Le capitaine Marcenay s’approche.

— Permettez-moi, monsieur le député, de prendre congé de vous, dit-il.

— Eh quoi ! si vite ! s’écrie M. Barsac.

— Il le faut bien, répond le capitaine, mes ordres sont formels. Je dois gagner Ségou-Sikoro et Tombouctou sans perdre une heure.

— Faites donc, capitaine, concède, en lui tendant la main, M. Barsac, dont l’émotion apaise la colère, et soyez sûr que vous emportez avec vous tous nos vœux. Personne de nous n’oubliera ces quelques jours passés en commun, et je suis l’interprète de tous, j’en suis certain, en vous exprimant notre reconnaissance pour votre protection vigilante et votre dévouement sans défaillance.

Merci, monsieur le député, dit le capitaine, sincèrement ému lui aussi.

Il nous fait ses adieux à chacun à tour de rôle, en finissant cela va de soi, par Mlle Mornas. Je les guigne de l’œil, on le pense bien.

Mais j’en suis pour ma curiosité. Tout se passe le plus simplement du monde.

— Au revoir, mademoiselle, dit le capitaine.

— Au revoir, capitaine, répond Mlle Mornas.

Rien de plus. Toutefois pour nous qui sommes dans la confidence, ces pauvres mots ont une valeur qu’on ne leur accorde pas d’ordinaire. Nous comprenons tous qu’ils équivalent à une double et formelle promesse.

C’est bien ainsi que le comprend le capitaine, car son visage s’est rasséréné. Il prend la main que lui tend Mlle Mornas, y