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martyre, elle leur dit quelle douloureuse découverte elle avait faite en reconnaissant, dans Harry Killer, son autre frère, William Ferney, depuis longtemps disparu. Si donc le sort voulait qu’elle ne revît pas l’Angleterre, Amédée Florence et Barsac pourraient ainsi être garants de George et de Lewis Buxton, accusés tous deux de crimes qu’ils n’avaient pas commis.

Vers sept heures du soir, le plafond du deuxième étage commença à être ébranlé par des coups sourds, comme l’avait été précédemment celui du troisième. William Ferney et sa bande, après un repos nécessité par leur fatigue, s’étaient remis au travail. Il fallut descendre encore.

Le percement du second plafond exigea les mêmes efforts que celui du premier. Jusqu’à deux heures du matin, les coups résonnèrent sans interruption à travers le Palais. Il y eut alors un silence de deux heures, que William Ferney employa à passer du troisième étage au deuxième et à prendre un nouveau repos, de plus en plus nécessaire.

Les coups ne recommencèrent à retentir, au plafond du premier étage cette fois, que vers quatre heures du matin. Sans attendre que ce plafond fût traversé, tout le monde se réfugia au rez-de-chaussée, non sans barrer le chemin, comme on l’avait fait jusqu’ici, au moyen des portes blindées que personne n’essayait même plus, d’ailleurs, de forcer.

C’était la dernière retraite qui fût permise aux assiégés. Quand William Ferney serait venu à bout des deux plafonds qui les séparaient encore de lui, quand les canons des fusils apparaîtraient au-dessus de leurs têtes, il leur faudrait, soit se réfugier dans les cachots du sous-sol, soit reculer, reculer toujours jusqu’au moment où ils seraient arrêtés par la muraille extérieure du Palais. Il ne leur resterait plus alors qu’à mourir.

Pendant que William Ferney s’efforçait de supprimer l’avant-dernier des obstacles qui barraient sa route, le soleil se leva dans un ciel sans nuages. On put alors se rendre compte de l’étendue du désastre. Quoi qu’il fît, le despote de Blackland ne régnerait plus désormais que sur des ruines.

La ville était entièrement détruite. Deux uniques maisons étaient encore debout, au centre du quartier des Merry Fellows, juste en face du Palais. Quelques minutes après le lever du soleil, elles s’effondraient à leur tour, achevant ainsi la complète dévastation de la rive droite.

Non seulement les explosions n’en furent pas interrompues, mais elles se précipitèrent de plus en plus, au contraire. Après la rive droite, Marcel Camaret s’attaquait à la rive gauche, et c’était au tour de l’Usine de tomber progressivement en ruines. Il dirigeait, d’ailleurs, avec une prudente habileté l’œuvre de destruction. S’il abattait les maisons ouvrières, les ateliers, les magasins de réserve, petit à petit, par morceaux, comme s’il eût voulu prolonger son plaisir, il n’avait garde de toucher aux parties essentielles, c’est-à-dire aux machines produisant l’énergie dont il faisait un si terrible usage.

À la première explosion qui retentit sur la rive gauche, les Merry Fellows de l’Esplanade, qui pendant les dernières heures de la nuit étaient restés assez tranquilles et paraissaient avoir renoncé à leurs infructueuses tentatives contre la porte, répondirent par de violentes clameurs et se ruèrent de nouveau contre le Palais.

Leur acharnement avait vraiment de quoi surprendre les assiégés. Pourquoi s’obstinaient-ils ainsi ? Maintenant que Blackland n’existait plus, que pouvaient-ils espérer ? N’eussent-ils pas mieux fait d’abandonner cette ville morte et de chercher à gagner le Niger ?

Quelques mots prononcés sur l’Espla-