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C’est peu après que s’était produite la première explosion sur la rive gauche. Cette explosion, survenue dans l’Usine même, en avait terrorisé les habitants. Au risque d’être massacrés, ceux-ci s’étaient alors résolus à tenter une sortie, puisqu’ils n’avaient plus de choix qu’entre deux façons de mourir.

Malheureusement, en arrivant sur l’Esplanade, ils s’étaient heurtés aux Merry Fellows, que la muraille leur avait cachés jusque-là, une bataille qui avait fait de nombreuses victimes s’était engagée, et, séparés en deux tronçons, les uns avaient dû se réfugier chez Harry Killer lui-même, tandis que les autres étaient contraints de regagner le quai, non sans parvenir toutefois à fermer la porte de communication de l’Esplanade.

Du Palais, on apercevait ces derniers, en effet. N’osant plus ni se risquer à une nouvelle tentative dont l’inutilité leur était démontrée, ni rentrer dans l’Usine, qui était à la merci du geste d’un fou, mourants de faim, sans force, ils restaient en plein air, étendus sur le sol, exposés aux attaques de leurs ennemis, qui pouvaient à leur gré, soit les fusiller sans risque de l’autre rive de la Red River ou de la terrasse du Palais, soit les prendre à revers par le chemin de ronde.

Parmi eux, Jane Buxton eut la joie d’apercevoir Saint-Bérain et le docteur Châtonnay. Aucun de ses amis, et notamment celui qui, de tous, était le plus cher à son cœur, n’avait donc jusqu’ici perdu la vie dans cette aventure.

Elle venait à peine d’éprouver cette satisfaction relative, quand des coups sourds retentirent aux étages supérieurs du Palais. On reconnut aisément que ces coups provenaient de la terrasse, dont ceux qui y étaient prisonniers s’efforçaient de desceller les dalles. Mais la construction était solide et résistait vaillamment.

Si William Ferney et ses compagnons, qui devaient manquer de vivres eux aussi, n’étaient pas réduits à l’impuissance par leur faiblesse, nul doute, cependant, qu’ils ne dussent finalement réussir dans leur tentative. En effet, un peu après six heures du soir, le plancher de la terrasse était traversé, et on devait évacuer le troisième étage.

On se réfugia au deuxième, sans oublier de fermer derrière soi les portes blindées, puis on attendit.

Jane Buxton profita de ce répit pour mettre Barsac et Amédée Florence au courant de ses aventures personnelles depuis qu’elle avait quitté l’Usine. Elle leur expliqua la constitution de sa famille, et, invoquant le témoignage de son frère Lewis, dont elle raconta l’audacieux enlèvement et le long