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Tous penchés sur le parapet, ils semblaient se montrer réciproquement quelque chose dans le lointain, en échangeant des cris, plutôt que des paroles, accompagnés de grands gestes. Que se passait-il donc enfin qui pût les passionner à ce point ?

Tout à coup, William Ferney se redressa, donna un ordre d’une voix tonnante, et, suivi de ceux qui étaient avec lui sur la terrasse, se précipita vers l’escalier dont Jane occupait les dernières marches. Celle-ci vit alors qu’ils étaient armés, chacun de deux revolvers passés à la ceinture et d’un fusil, qu’ils brandissaient au-dessus de leur tête avec colère.

Une seconde encore, et sa cachette serait découverte. Que feraient d’elle, alors, ces hommes qui semblaient en proie à une violente surexcitation ? Elle était perdue.

Tandis qu’elle regardait autour d’elle, cherchant inconsciemment un impossible secours, ses yeux tombèrent soudain sur une porte placée en haut de l’escalier, qu’elle séparait de la terrasse. Voir et pousser cette porte qui se ferma bruyamment, ce fut pour Jane Buxton une seule et même chose. Sa situation était déjà profondément changée par son geste tout instinctif, qu’elle ignorait encore l’avoir accompli.

À ce geste, des cris de fureur, de terribles imprécations répondirent au-dehors. Elle n’avait pas eu le temps de faire jouer les derniers verrous, que les gens de la terrasse heurtaient violemment à coups de crosse l’obstacle inattendu qu’elle venait de leur opposer.

Épouvantée par ces hurlements, par ces chocs répétés, par tout ce vacarme, Jane restait, immobile, tremblante, à la même place. Pour sauver sa vie, elle n’eût pas eu la force de faire un mouvement. Elle tenait ses yeux fixés sur cette porte, qu’elle s’attendait à voir tomber d’une minute à l’autre, sous l’effort de ses redoutables ennemis.

Mais la barrière qui la séparait d’eux ne tomba pas. Elle ne paraissait même pas être ébranlée par les coups furieux dont on la martelait. Jane reprit peu à peu son calme, et s’aperçut alors que cette porte était faite, comme celle de l’Usine et comme celle de l’entrée du Palais, d’une épaisse plaque de blindage capable de défier tous les assauts. Il n’y avait donc pas à craindre que

William Ferney pût la forcer avec les faibles moyens dont il disposait.

Rassurée, elle descendait retrouver son frère, quand elle remarqua, au passage, que l’escalier, entre le dernier étage du Palais et la terrasse, pouvait être successivement barré par cinq autres portes semblables. Tout avait été prévu par William Ferney pour se mettre à l’abri d’une surprise. Son palais était divisé en de nombreuses sections séparées par des barrages, qu’il eût fallu emporter l’un après l’autre. Au-