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convoi, attendaient dans le jardin, d’où, sous la direction d’un conducteur éprouvé, le planeur allait s’envoler. Obéissant à l’ordre de leur chef, une dizaine de mécaniciens se dirigèrent vers la remise. Ils en ouvrirent la porte…

Ce fut à cet instant précis qu’arriva le désastre.

Au moment où la porte s’ouvrait, une formidable explosion retentit tout à coup. La remise s’effondra comme un château de cartes. À sa place, il n’y avait plus qu’un monceau de décombres.

Après un instant de stupeur bien naturelle, on se précipita au secours des dix ouvriers. Fort heureusement, sauf l’un d’eux légèrement blessé, ils étaient indemnes, l’explosion s’étant produite avant qu’ils fussent entrés dans la remise.

Mais, bien qu’ils n’eussent pas de mort à déplorer, ce n’en était pas moins un grand malheur, un irréparable désastre même, qui atteignait les assiégés. Il n’en subsistait que des débris inutilisables.

— Rigaud, dit Camaret avec le calme qui ne le quittait jamais dans les circonstances vraiment graves, fais commencer le déblaiement. Il faut connaître la cause de cette explosion.

On attaqua l’amoncellement de ruines au point même qu’occupait le planeur. Les bras étaient nombreux, et le travail avança rapidement. Vers onze heures, cette partie du sol de la remise était à nu, et l’on y constatait l’existence d’une profonde excavation.

— De la dynamite, dit froidement Camaret. Elle n’est pas venue toute seule, je suppose.

Les taches de sang qui constellaient les décombres prouvant que l’explosion avait fait des victimes, le déblaiement fut continué avec la même ardeur. On commença bientôt, en effet, à faire de macabres trouvailles. Un peu avant minuit, ce fut la jambe déchiquetée d’un nègre. Puis, ce fut un bras violemment arraché, et enfin on découvrit la tête de ce corps mutilé.

Amédée Florence, qui, en bon reporter, suivait attentivement les travaux, reconnut sur-le-champ le lugubre trophée.

— Tchoumouki ! s’écria-t-il sans hésiter.

Il expliqua à Camaret qui était ce Tchoumouki, un traître passé du service de miss Buxton à celui d’Harry Killer. Dès lors, tout s’expliquait. Tchoumouki était évidemment, à la fois, l’auteur et la première victime de l’explosion. Restait à savoir comment il avait pénétré dans l’Usine.

Dans tous les cas, puisqu’il était entré, d’autres pouvaient le suivre par la même voie. Il importait donc d’en ôter la velléité aux adversaires, en les frappant d’une salutaire terreur.

Dans ce but, les misérables restes de Tchoumouki furent, par ordre de Camaret, jetés par-dessus le mur, sur l’esplanade, où les gens d’Harry Killer ne pourraient manquer de les trouver. Ils apprendraient ainsi d’indubitable manière que s’introduire dans l’Usine n’était pas sans danger.

Cependant, le déblaiement continuait. Les ouvriers faisant la chaîne, les décombres s’amoncelaient dans le jardin, et une plus grande surface du sol de la remise se découvrait peu à peu.

— En voici un autre ! s’écria tout à coup l’un des travailleurs.

Marcel Camaret s’approcha. Un pied humain apparaissait, en effet, entre les pierres. En quelques instants, le corps tout entier fut mis à découvert. C’était un Blanc dans la force de l’âge, dont l’épaule avait été affreusement broyée par la chute de la toiture.

Le docteur Châtonnay se pencha sur le blessé.

— Il vit, dit-il.

L’homme fut retiré des décombres et transporté chez Camaret, où le docteur ap-