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partit d’un second engin arrivé à son tour dans le voisinage, détonation suivie, comme la première, d’une seconde grêle de mitraille.

Cette fois, le champ meurtrier s’était rapproché d’eux. Quelques hommes furent même atteints par les projectiles. Les autres n’attendirent pas plus longtemps. Abandonnant le bélier, ils ramassèrent leurs blessés et s’enfuirent à toutes jambes.

Les spectateurs de cette scène ne pouvaient en croire leurs yeux. Chaque guêpe, après s’être déchargée, était docilement revenue dans son alvéole au pied de la tour, puis, une minute plus tard, ayant reçu une nouvelle charge, elle s’était envolée pour reprendre son rang dans la ronde générale.

— Je ne crois pas qu’il faille nous occuper de ces gens-là, dit Marcel Camaret. Si donc il vous plaisait, par hasard, de visiter l’Usine…


VIII

l’usine de blackland


Ses hôtes s’étant empressés d’accepter :

— Avant de descendre de cette tour, où nous reviendrons, d’ailleurs, en terminant notre visite, dit Camaret, rendez-vous compte, d’abord, de la disposition générale de l’Usine. Dans son ensemble, elle couvre, ainsi que vous le voyez, une surface rectangulaire, mesurant en largeur deux cent cinquante mètres, et trois cent soixante mètres parallèlement à la rivière. Sa superficie totale est donc de neuf hectares exactement, la partie occidentale, qui représente les trois cinquièmes de ce quadrilatère, étant consacrée à des jardins.

— Pourquoi des jardins ? interrompit Amédée Florence.

— Ils assurent en partie notre subsistance, le surplus nous venant du dehors. C’est donc seulement l’autre partie, large de cent mètres et desservie par le quai, c’est-à-dire celle où nous sommes, qui constitue l’Usine proprement dite. Au milieu, sur une longueur de deux cent cinquante mètres, les ateliers et mon domicile particulier sont groupés au pied de cette tour, qui en occupe le centre. À chaque extrémité, où restait libre, par conséquent, un espace de cinquante-cinq mètres, on a élevé, perpendiculairement à la rivière, deux rangées de maisons ouvrières séparées par une large rue. Chaque rangée ayant sept maisons, et chaque maison ayant quatre étages, rez-de-chaussée compris, nous disposons, en tout, de cent douze logements.

— Quelle est donc l’importance de votre personnel ? demanda Barsac.

— Cent hommes, exactement, mais quelques-uns sont mariés et plusieurs ont des enfants. Comme vous pouvez le constater, les ateliers ne comportent qu’un seul étage et sont recouverts d’une épaisse couche de terre gazonnée. Des obus seraient donc à peu près impuissants contre eux. Maintenant que vous connaissez les grandes lignes, nous pouvons descendre, si vous le voulez, et procéder à une visite détaillée.

Avant d’obéir à cette invitation, les auditeurs de Camaret jetèrent un dernier regard autour d’eux. La situation n’avait pas changé. Les guêpes continuaient leur promenade circulaire, et les assaillants, instruits par l’expérience, ne se hasardaient plus à pénétrer dans la zone dangereuse. Cette double constatation les ayant rassurés, ils quittèrent la plate-forme à la suite de l’ingénieur.

Guidés par lui, ils visitèrent tout d’abord cet étage de la tour qu’il appelait la « ruche », d’où les vingt guêpes s’étaient envolées d’un même nombre d’alvéoles, entre lesquelles était située la réserve de mitraille. On traversa ensuite une série d’ateliers : ajustage, menuiserie, forge, fonderie, etc.,