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L’ÉBOULEMENT.


Bassoutos… Laisse donc ton horrible Griqualand pour quelques semaines, et viens me rejoindre… »

Cyprien relisait cette lettre, lorsqu’une détonation formidable, suivie d’une grande rumeur dans tout le camp, le fit se lever en toute hâte et se précipiter hors de sa tente.

La foule des mineurs, en grand désordre et grande émotion, courait vers la mine.

« Un éboulement ! » criait-on de toutes parts.

La nuit avait, en effet, été très fraîche, presque glaciale, tandis que la journée de la veille pouvait compter parmi les plus chaudes qu’on eût subies depuis longtemps. C’était, d’ordinaire, à la suite de ces brusques changements de température, des rétractions qui en étaient la conséquence au milieu du massif des terres laissées à découvert, que se produisait ce genre de cataclysmes.

Cyprien se hâta de se diriger vers le Kopje.

En y arrivant, il vit d’un coup d’œil ce qui s’était passé.

Tout un énorme pan de terre, haut de soixante mètres au moins, long de deux cents, s’était fendu verticalement, en formant une fissure qui ressemblait à la brèche d’un rempart démantelé. Plusieurs milliers de quintaux de graviers s’en étaient détachés, roulant dans les claims, les remplissant de sable, de déblais, de cailloux. Ce qui s’était trouvé sur la crête, à ce moment, hommes, bœufs, charrettes, n’avait fait qu’un saut dans l’abîme et gisait au fond.

Par bonheur, le plus grand nombre des travailleurs n’était pas encore redescendu sur le sol inférieur de la mine, où la moitié du camp aurait été ensevelie sous les décombres.

La première pensée de Cyprien fut pour son associé Thomas Steel. Il eut bientôt le plaisir de le reconnaître parmi les hommes qui cherchaient à se rendre compte du désastre au bord de la fissure. Aussitôt, il courut à lui et l’interrogea.

« Oui, nous l’avons échappé belle ! dit le Lancashireman en lui serrant la main.

— Et Matakit ? demanda Cyprien.

— Le pauvre garçon est là-dessous ! répondit Thomas Steel, en montrant les décombres qui s’étaient amoncelés sur leur propriété commune. Je l’avais à peine fait descendre, et j’attendais qu’il eût fini de remplir son premier seau pour le hisser, quand l’éboulement s’est produit !