Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
UN PEU DE SCIENCE ENSEIGNÉE DE BONNE AMITIÉ.


cristaux, de préférence à leur transport à l’état parfait. Pour n’en répéter que deux ou trois, les diamants sont presque toujours réunis par groupes de même nature et de même couleur, ce qui n’arriverait certainement pas s’ils avaient été apportés tout formés déjà par un torrent. On en trouve fréquemment deux accolés ensemble, qui se détachent au plus léger choc. Comment auraient-ils résisté aux frottements et aux aventures d’un charroi par les eaux ? De plus, les gros diamants se trouvent presque toujours sous l’abri d’une roche, ce qui tendrait à indiquer que l’influence de la roche, — son rayonnement calorifique ou toute autre cause, — a facilité la cristallisation. Enfin, il est rare, très rare même, que de gros et de petits diamants se rencontrent ensemble. Toutes les fois qu’on découvre une belle pierre, elle est isolée. C’est comme si tous les éléments adamantins du nid s’étaient cette fois concentrés en un seul cristal, sous l’action de causes particulières.

« Ces motifs et beaucoup d’autres encore me font donc pencher pour la formation sur place, après transport par les eaux, des éléments de la cristallisation.

« Mais d’où sont venues les eaux qui charriaient les détritus organiques, destinés à se transformer en diamants ? c’est ce qu’il ne m’a pas été possible de déterminer, en dépit de l’étude la plus attentive que j’ai faite des divers terrains.

« La découverte aurait pourtant son importance, En effet, si l’on parvenait à reconnaître la route suivie par les eaux, pourquoi n’arriverait-on pas, en la remontant, au point initial d’où sont partis les diamants, là où il y en a sans doute bien plus grande quantité que dans les petits réservoirs actuellement exploités ? Ce serait une démonstration complète de ma théorie, et j’en serais bien heureux, Mais ce n’est pas moi qui la ferais, car me voici presque au terme de ma mission, et il m’a été impossible de formuler à cet égard aucune conclusion sérieuse.

« J’ai été plus favorisé dans mes analyses de roches… »

Et le jeune ingénieur, poursuivant son récit, entrait, au sujet de ses travaux, dans des détails techniques qui étaient sans doute d’un haut intérêt pour lui et pour son correspondant, mais sur lesquels le lecteur profane pourrait bien ne pas porter le même jugement. C’est pourquoi il paraît prudent de lui en faire grâce.

À minuit, après avoir terminé sa longue lettre, Cyprien éteignit sa lampe, s’étendit dans son hamac et s’endormit du sommeil du juste.