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UN PEU DE SCIENCE ENSEIGNÉE DE BONNE AMITIÉ.


dans son chapeau, il avait plutôt envie de se jeter sur son lit et de dormir que de venir écouter les vieux racontars de Mr. Watkins. En outre, il fumait peu, buvait encore moins. Tout cela ne constituait pas précisément le joyeux compère que le fermier avait rêvé.

Néanmoins, Cyprien était si loyal et si bon, si simple de manières et de sentiments, si savant et si modeste, qu’il était impossible de le voir habituellement sans s’attacher à lui. Mr. Watkins — peut-être ne s’en rendait-il pas compte — éprouvait donc plus de respect pour le jeune ingénieur qu’il n’en avait jamais accordé à personne. Si seulement ce garçon-là avait su boire sec ! Mais que voulez-vous faire d’un homme qui ne se jette jamais la moindre goutte de gin dans le gosier ? Voilà comment se terminaient régulièrement les jugements que le fermier portait sur son locataire.

Quant à miss Watkins, elle s’était tout de suite mise avec le jeune savant sur le pied d’une bonne et franche camaraderie. Trouvant en lui une distinction de manières, une supériorité intellectuelle qu’elle ne rencontrait guère dans son entourage habituel, elle avait saisi avec empressement l’occasion inattendue qui s’offrait à elle de compléter, par des notions de chimie expérimentale, l’instruction très solide et très variée qu’elle s’était déjà faite par la lecture des ouvrages de science.

Le laboratoire du jeune ingénieur, avec ses appareils bizarres, l’intéressait puissamment. Elle était surtout fort curieuse de connaître tout ce qui se rattachait à la nature des diamants, cette précieuse pierre qui jouait dans les conversations et dans le commerce du pays un rôle si important. En vérité, Alice était assez portée à ne regarder cette gemme que comme un vilain caillou. Cyprien — elle n’était pas sans le voir — avait, sur ce point, des dédains tout pareils aux siens. Aussi cette communion de sentiments ne fut-elle pas étrangère à l’amitié qui s’était promptement nouée entre eux. Seuls dans le Griqualand, on peut hardiment le dire, ils ne croyaient pas que le but unique de la vie dût être de rechercher, de tailler, de vendre ces petites pierres, si ardemment convoitées dans tous les pays du monde.

« Le diamant, lui dit un jour le jeune ingénieur, est tout simplement du carbone pur. C’est un fragment de charbon cristallisé, pas autre chose. On peut le brûler comme un vulgaire morceau de braise, et c’est même cette propriété de combustibilité qui en a, pour la première fois, fait soupçonner la véritable nature. Newton, qui observait tant de choses, avait noté que le diamant taillé réfracte la lumière plus que tout autre corps transparent. Or, comme il