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L’ÉTOILE DU SUD.

tradition respectée déclarait que, le jour où les blancs en connaîtraient le secret, l’empire de Tonaïa tomberait en poussière.

Mais le roi n’aimait pas que sa cour se mêlât de préjuger aucune de ses décisions. Aussi, ce murmure l’amena-t-il, par un caprice de tyranneau, à accorder ce qu’il aurait très probablement refusé, sans cette explosion du sentiment général.

« Tonaïa a fait l’échange du sang avec son allié Pharamond Barthès, répondit-il d’un ton péremptoire, et il n’a plus rien à lui cacher ! Ton ami et toi, savez-vous garder un serment ? »

Pharamond Barthès fit un signe affirmatif.

« Eh bien ! reprit le roi nègre, jurez de ne toucher à rien de ce que vous verrez dans cette grotte !… Jurez de vous conduire en toute occasion, lorsque vous en serez sortis, comme si vous n’en aviez jamais connu l’existence !… Jurez de ne jamais chercher à y pénétrer de nouveau, ni même de tenter d’en reconnaître l’entrée !… Jurez enfin de ne jamais dire à personne ce que vous aurez vu ! »

Pharamond Barthès et Cyprien, la main étendue, répétèrent mot pour mot la formule du serment qui leur était imposé.

Aussitôt, Tonaïa ayant donné quelques ordres à voix basse, toute la cour se leva, et les guerriers se formèrent sur deux rangs. Quelques serviteurs apportèrent des pièces de fines toiles, qui servirent à bander les yeux des deux étrangers ; puis, le roi en personne se plaça entre eux au fond d’un grand palanquin de paille que quelques douzaines de Cafres chargèrent sur leurs épaules, et le cortège se mit en marche.

Le voyage fut assez long, — deux heures de route au moins. En se rendant compte de la nature des secousses qu’éprouvait le palanquin, Pharamond Barthès et Cyprien crurent bientôt reconnaître qu’ils étaient transportés dans un district montagneux.

Puis une grande fraîcheur de l’air et l’écho sonore des pas de l’escorte, répercuté par des murailles très rapprochées l’une de l’autre, indiquèrent qu’on avait pénétré dans un souterrain. Enfin, des bouffées de fumée résineuse, dont l’odeur leur arriva au visage, firent comprendre aux deux amis qu’on avait allumé des torches pour éclairer le cortège.

La marche dura pendant un quart d’heure encore ; après quoi le palanquin fut déposé à terre. Tonaïa en fit descendre ses hôtes et ordonna que les bandeaux leur fussent ôtés.