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L’ÉTOILE DU SUD.

seur ! Tonaïa a inventé pour ses ennemis toute une variété de supplices, qui ne laissent rien à désirer ! Mais, je te le répète, tu peux être sans inquiétude sur ton ancien serviteur ! Il est protégé par sa qualité de devin, et nous le retrouverons, ce soir même, en bonne santé ! »

Il est inutile d’insister sur ce point que cette nouvelle devait particulièrement satisfaire Cyprien. Très certainement son but était atteint, et il ne doutait pas que Matakit, s’il avait encore en sa possession le diamant de John Watkins, ne consentît à le rendre.

Les deux amis continuèrent à deviser ainsi, pendant toute la journée, en traversant la plaine que Cyprien avait parcourue à dos de girafe, quelques jours auparavant.

Le soir même, la capitale de Tonaïa se montra, à demi disposée en amphithéâtre sur une ondulation que formait l’horizon dans le nord. C’était une véritable ville de dix à quinze mille habitants, avec des rues bien tracées des cases spacieuses et presque élégantes, ayant l’aspect de la prospérité et de l’aisance. Le palais du roi, entouré de hautes palissades et gardé par des guerriers noirs, armés de lances, occupait à lui seul un quart de la superficie totale de la cité.

Pharamond Barthès n’eut qu’à se montrer pour que toutes les barrières s’abaissassent devant lui, et il fut immédiatement conduit avec Cyprien, à travers une série de vastes cours, jusqu’à la salle de cérémonie, où se tenait « l’invincible conquérant » au milieu d’une nombreuse assistance, à laquelle ne manquaient ni les officiers, ni les gardes.

Tonaïa pouvait avoir une quarantaine d’années. Il était grand et fort. Coiffé avec soin d’une sorte de diadème de dents de sanglier, son costume se composait pour le surplus d’une tunique rouge, sans manches, et d’un tablier de même couleur, richement brodé en perles de verre. Il portait aux bras et aux jambes de nombreux bracelets de cuivre. Sa physionomie était intelligente et fine, mais astucieuse et dure.

Il fit grand accueil à Pharamond Barthès, qu’il n’avait pas vu depuis quelques jours, et, par déférence, à Cyprien, l’ami de son fidèle allié.

« Les amis de nos amis sont nos amis, » dit-il comme l’eût fait un simple bourgeois du Marais.

Et, en apprenant que son nouvel hôte était souffrant, Tonaïa s’empressa de lui faire donner une des meilleures chambres de son palais et de lui faire servir un excellent souper.