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L’ÉTOILE DU SUD.

se releva pour jeter à terre une sorte de carapace, couverte de marabouts, qui semblait être son plumage naturel, puis un long cou surmonté d’une tête d’oiseau. Et alors, dépouillée de ces ornements d’emprunt, l’autruche se montra à lui sous les traits d’un grand gaillard, solide, vigoureux, qui n’était autre que Pharamond Barthès, grand chasseur devant Dieu et devant les hommes.

« Eh ! oui ! c’est moi ! s’écria Pharamond. N’as-tu donc pas reconnu ma voix aux premiers mots que je t’ai dits ?… Tu es étonné de mon accoutrement ?… C’est une ruse de guerre que j’ai empruntée aux Cafres pour pouvoir approcher des vraies autruches et les tirer plus facilement à la sagaie !… Mais parlons de toi, mon pauvre ami !… Comment te trouves-tu ici, malade et abandonné ?… C’est par le plus grand hasard que je t’ai aperçu, en flânant de ce côté, et j’ignorais même que tu fusses dans ce pays ! »

Cyprien, n’étant guère en état de causer, ne put donner à son ami que des indications très sommaires sur son propre compte. D’ailleurs, Pharamond Barthès, comprenant de son côté que ce qui pressait le plus c’était de procurer au malade les secours qui lui avaient manqué jusqu’alors, se mit en devoir de le traiter du mieux qu’il lui fut possible.

Son expérience du désert était déjà longue, à ce hardi chasseur, et il avait appris des Cafres une méthode de traitement d’une efficacité extrême pour la fièvre paludéenne, dont était atteint son pauvre camarade.

Donc, Pharamond Barthès commença par creuser dans le sol une sorte de fosse qu’il remplit de bois, après avoir ménagé une bouche d’appel pour permettre à l’air extérieur de s’y introduire. Ce bois, lorsqu’il eut été allumé et consumé, eut bientôt transformé la fosse en un véritable four. Pharamond Barthès y coucha Cyprien, après l’avoir enveloppé avec soin, de manière à ne lui laisser que la tête à l’air. Dix minutes ne s’étaient pas écoulées qu’une transpiration abondante se manifestait déjà, — transpiration que le docteur improvisé eut soin d’activer à l’aide de cinq à six tasses d’une tisane qu’il fit avec des herbes à lui connues.

Cyprien ne tarda pas à s’endormir dans cette étuve et d’un bienfaisant sommeil.

Au coucher du soleil, lorsqu’il rouvrit les yeux, le malade se sentait si manifestement soulagé qu’il demanda à dîner. Son ingénieux ami avait réponse à tout : il lui servit immédiatement un excellent potage qu’il avait composé avec les produits les plus délicats de sa chasse et quelques racines de diverses