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L’AUTRUCHE QUI PARLE.

Cette ascension fut longue et pénible. Toute la journée se passa à gravir des pentes abruptes, à tourner des roches ou des pics infranchissables, à recommencer par l’est ou par le sud une tentative infructueusement tentée par le nord ou par l’ouest.

À la nuit, Cyprien n’était encore qu’à mi-côte, et il dut remettre au lendemain la suite de son ascension.

Reparti au point du jour, après s’être assuré, en regardant bien, que Lî n’était point revenu au campement, il arriva enfin vers onze heures du matin au sommet de la montagne.

Une cruelle déception l’y attendait. Le ciel s’était couvert de nuages. D’épais brouillards flottaient sur les flancs inférieurs. Ce fut en vain que Cyprien essaya d’en percer le rideau pour sonder du regard les vallées voisines. Tout le pays disparaissait sous un amoncellement de vapeurs informes, qui ne laissaient rien distinguer au-dessous d’elles.

Cyprien s’obstina, attendit, espérant toujours qu’une éclaircie viendrait lui rendre les vastes horizons qu’il espérait embrasser : ce fut inutilement. À mesure que la journée s’avançait, les nuages semblaient croître en épaisseur, et, comme la nuit venait, le temps tourna décidément à la pluie.

Le jeune ingénieur se trouva donc surpris par ce prosaïque météore, précisément au sommet d’un plateau dénudé, qui ne possédait pas un seul arbre, pas une roche susceptible de servir d’abri. Rien que le sol chauve et desséché, et tout autour, la nuit grandissante, accompagnée d’une petite pluie fine, qui, peu à peu, pénétrait tout, couverture, vêtements et perçait jusqu’à la peau.

La situation devenait critique, et pourtant il fallait l’accepter. Effectuer la descente dans de pareilles conditions eût été folie. Cyprien prit donc son parti de se laisser tremper jusqu’aux os, comptant se sécher, le lendemain, d’un bon rayon de soleil.

Le premier moment d’émotion passé, cette pluie, — douche rafraîchissante qui reposait de la sécheresse des jours précédents, — Cyprien, pour se consoler de sa mésaventure, se dit qu’elle n’avait rien de désagréable ; mais une de ses conséquences les plus pénibles fut de l’obliger à manger son dîner, sinon tout cru, du moins tout froid. Allumer du feu ou simplement faire flamber une allumette par un temps pareil, il n’y devait pas songer. Il se contenta donc d’ouvrir une boîte d’endaubage et de la dévorer sous cette forme élémentaire.

Une ou deux heures plus tard, engourdi par la fraîcheur de la pluie, le jeune