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L’ÉTOILE DU SUD.

Se voyant alors sous le coup d’une capture imminente, il se livra à des secousses plus acharnées que jamais.

Soudain, dans un violent assaut de la tourmente, le filet fut arraché. Les derniers liens, qui retenaient au sol cet immense réseau de cordes, furent rompus, et la colonie emplumée qu’il emprisonnait prit son vol avec un vacarme assourdissant. Les petits oiseaux parvinrent à s’échapper ; mais les grands volatiles, les serres empêtrées dans les mailles, au moment où leurs vastes ailes redevinrent libres, manœuvrèrent avec un ensemble formidable. Toutes ces rames aériennes réunies, tous ces muscles pectoraux, dont les mouvements étaient simultanéisés, formaient, aidés par la furie de la bourrasque, une puissance si colossale, que cent kilogrammes ne lui pesaient pas plus qu’une plume.

Aussi, le filet, ramené, roulé, embriquemaillé sur lui-même, donnant ainsi prise aux assauts du vent, se trouva-t-il subitement enlevé, avec Annibal Pantalacci, pris par les pieds et par les mains, à vingt-cinq ou trente mètres du sol.

Cyprien arrivait à ce moment, et il ne put qu’assister à cet enlèvement de son ennemi vers la région des nuages.

À ce moment, la gent empennée des gypaëtes, épuisée par ce premier effort, tendit visiblement à retomber en décrivant une longue parabole. En trois secondes, elle arriva à la bordure de lentisques et de figuiers d’Inde, qui s’étendait à l’ouest des champs de maïs. Puis, après en avoir rasé la cime, à trois ou quatre mètres du sol, elle se releva une dernière fois dans les airs.

Cyprien et Lî regardaient avec terreur le malheureux suspendu à ce filet, qui cette fois, fut porté à plus de cent cinquante pieds de hauteur, grâce au prodigieux effort de ces gigantesques volatiles, aidés de la tourmente.

Soudain, quelques mailles crevèrent sous les efforts du Napolitain. On le vit, un instant suspendu par les mains, essayer de se reprendre aux cordes du filet… Mais ses mains s’ouvrirent, il lâcha prise, tomba comme une masse, et se brisa sur le sol.

Le filet, dégagé de ce poids, fit un dernier bond dans l’espace, et se détacha quelques milles plus loin, pendant que les gypaëtes regagnaient les hautes zones de l’espace.

Lorsque Cyprien accourut pour lui porter secours, son ennemi était mort… mort dans ces conditions horribles !

Et, maintenant, il restait seul de ces quatre rivaux qui s’étaient lancés pour atteindre le même but à travers les plaines du Transvaal.