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L’ÉTOILE DU SUD.

Quant à l’autruche de Matakit, sa rapidité tenait du prodige. Il n’y a pas de vainqueur du Derby ou du Grand Prix de Paris qui eût pu lutter avec elle. Ses courtes ailes, inutiles pour voler, lui servaient pourtant à accélérer sa course. Tout cela était si emporté, qu’en moins de quelques minutes, le jeune Cafre avait déjà regagné une distance considérable sur celui qui le poursuivait.

Ah ! Matakit avait bien choisi sa monture, en prenant une autruche ! Si, seulement, il pouvait se maintenir à une pareille allure pendant un quart d’heure, il était définitivement hors d’atteinte et sauvé des griffes du Napolitain.

Annibal Pantalacci comprenait bien que le moindre retard allait lui faire perdre tout son avantage. Déjà la distance s’accroissait entre le fugitif et lui. Au delà du champ de maïs, à travers lequel s’effectuait cette chasse, un épais fourré de lentisques et de figuiers d’Inde, secoué par le vent de brise, allongeait sa bordure sombre à perte de vue. Si Matakit l’atteignait, il serait impossible de l’y retrouver, puisqu’on ne pourrait plus l’apercevoir.

Tout en galopant, Cyprien et le Chinois suivaient cette lutte avec un intérêt qui se comprendra de reste. Ils étaient enfin arrivés au pied de la colline, ils couraient à travers champs, mais trois milles les séparaient encore soit du chasseur soit du chassé.

Ils purent voir, cependant, que le Napolitain, par un effort inouï, avait regagné quelque peu sur le fuyard. Soit que l’autruche fût épuisée, soit qu’elle se fût blessée contre une souche ou une roche, sa vitesse s’était singulièrement ralentie. Annibal Pantalacci ne fut bientôt plus qu’à trois cents pieds du Cafre.

Mais Matakit venait enfin d’atteindre la lisière du fourré ; puis, il y disparaissait soudain, et, au même moment, Annibal Pantalacci, violemment désarçonné, roulait sur le sol, pendant que son cheval s’échappait à travers la campagne.

« Matakit nous échappe ! s’écria Lî.

— Oui, mais ce coquin de Pantalacci est à nous ! » répondit Cyprien.

Et tous deux pressèrent l’allure de leurs girafes.

Une demi-heure après, ayant franchi presque entièrement le champ de maïs, ils n’étaient plus qu’à cinq cents pas de l’endroit où le Napolitain venait de choir. La question pour eux était de savoir si Annibal Pantalacci avait pu se relever et gagner le fourré de lentisques, ou s’il gisait sur le sol, grièvement blessé dans sa chute, — mort peut-être !