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TRAHISON.

Lî s’empressa d’obéir. En quelques minutes, les couvertures furent roulées, les sacs mis à l’épaule : puis, tout ce qu’on était obligé d’abandonner en cet endroit, fut réuni en tas sous un épais amas de broussailles, et on se mit aussitôt en route.

Cyprien avait eu raison de dire qu’à certains égards, il serait peut-être plus commode d’aller à pied. Il put ainsi prendre par le plus court, en franchissant des croupes abruptes qu’aucun cheval n’aurait été capable d’escalader, mais au prix de quelles fatigues !

Il était environ une heure après midi, lorsque tous deux parvinrent sur le versant nord de la chaîne qu’ils suivaient depuis trois jours. Aux termes des renseignements fournis par Lopèpe, on ne devait plus être loin de la capitale de Tonaïa. Malheureusement, les indications étaient si vagues sur la route à suivre, et les idées de distance si confuses dans la langue betchouana, qu’il était assez difficile de savoir, à l’avance, s’il faudrait deux ou cinq journées de marche pour y arriver.

Comme Cyprien et Lî descendaient le talus de la première vallée, qui s’était ouverte devant eux, après avoir franchi la ligne de faîte, celui-ci fit entendre un petit rire sec. Puis :

« Des girafes ! » dit-il.

Cyprien, regardant à ses pieds, aperçut en effet une vingtaine de ces animaux, occupés à paître au fond de la vallée. Rien de plus gracieux à voir, de loin, que leurs longs cous, dressés comme des mâts, ou allongés comme de longs serpents dans l’herbe, à trois ou quatre mètres de leurs corps mouchetés de taches jaunâtres.

« On pourrait prendre une de ces girafes et s’en servir pour remplacer Templar, fit observer Lî.

— Monter une girafe ! Eh ! qui a jamais vu faire pareille chose, s’écria Cyprien.

— Je ne sais si on l’a jamais vu, mais il ne tient qu’à vous de le voir, répliqua le Chinois, si vous voulez seulement me laisser l’essayer ! »

Cyprien, qui ne commençait jamais par regarder comme impossible ce qui était simplement nouveau pour lui, se déclara prêt à aider Lî dans son entreprise.

« Nous nous trouvons sous le vent des girafes, dit le Chinois, ce qui est fort heureux, car elles ont le nez très fin et nous auraient déjà sentis ! Donc, si vous voulez bien les tourner sur la droite, puis les effrayer d’un coup de