Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
L’ÉTOILE DU SUD.

vinrent d’attendre jusqu’au lendemain matin avant de lever le camp. Peut-être, dans cet intervalle, Bardik reviendrait-il, s’il s’était simplement égaré à la poursuite de quelque pièce de gibier, qui avait pu exciter sa convoitise de chasseur.

Mais, en se rappelant la visite qu’un parti de Cafres avait faite à l’un des derniers campements, en tenant compte des questions posées à Bardik et à Lî, de la crainte qu’ils avaient exprimé de voir des étrangers, des espions peut-être, s’aventurer sur le pays de Tonaïa, on pouvait se demander, non sans raison, si Bardik, tombé entre les mains de ces indigènes, n’avait pas été emmené jusque dans leur capitale.

La journée s’acheva tristement et la soirée fut plus lugubre encore. Un vent de malheur semblait souffler sur l’expédition. Annibal Pantalacci était farouche et muet. Ses deux complices, Friedel et James Hilton, étaient morts, et maintenant il restait seul en face de son jeune rival, mais plus que jamais décidé à se débarrasser d’un prétendant dont il ne voulait pas plus dans l’affaire du diamant que dans l’affaire du mariage. Et pour lui, ce n’étaient vraiment là que des affaires.

Quant à Cyprien, — auquel Lî avait raconté tout ce qu’il avait entendu à propos de la soustraction des cartouches, — il lui fallait veiller nuit et jour, maintenant, sur son compagnon de voyage. Le Chinois, il est vrai, comptait bien prendre à sa charge une partie de cette tâche.

Cyprien et Annibal Pantalacci passèrent la soirée à fumer auprès du feu, silencieusement, et se retirèrent sous la bâche du wagon, sans même échanger un bonsoir. C’était au tour de Lî de veiller près du feu allumé pour écarter les bêtes féroces.

Le lendemain, au point du jour, le jeune Cafre n’était pas de retour au campement.

Cyprien aurait volontiers attendu vingt-quatre heures encore pour donner à son serviteur une dernière chance de revenir, mais le Napolitain insista pour partir à l’instant.

« On peut fort bien se passer de Bardik, disait-il, et se retarder, c’est s’exposer à ne plus pouvoir rejoindre Matakit ! »

Cyprien se rendit, et le Chinois se mit en devoir de rassembler les bœufs pour le départ.

Nouvelle déconvenue et des plus graves. Les bœufs, eux non plus, ne se retrouvaient pas. La veille au soir, ils étaient encore couchés dans les hautes