Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
PRÉPARATIFS DE DÉPART.


mier, pour avaler une pierre de cette grosseur, il faudrait que Matakit eût un estomac d’autruche !

— Est-ce que l’estomac d’un Cafre n’est pas capable de tout, monsieur Méré ? riposta John Watkins. Si vous trouvez qu’il est convenable de rire en ce moment et à ce propos !

— Je ne ris pas, monsieur Watkins ! répondit très sérieusement Cyprien. Mais, si je regrette ce diamant, c’est uniquement parce que vous m’aviez permis de l’offrir à mademoiselle Alice…

— Et je vous en suis reconnaissante, monsieur Cyprien, ajouta miss Watkins, comme si je l’avais encore en ma possession !

— Voilà bien ces cervelles de femmes ! s’écria le fermier. Aussi reconnaissante que si elle l’avait en sa possession, ce diamant qui n’a pas son pareil au monde !…

— En vérité, ce n’est pas tout à fait la même chose ! fit observer James Hilton.

— Oh ! pas du tout ! ajouta Friedel.

— C’est tout à fait la même chose, au contraire ! répondit Cyprien, attendu que, si j’ai fabriqué ce diamant-là, je saurai bien en fabriquer un autre !

— Oh ! monsieur l’ingénieur, dit Annibal Pantalacci, d’un ton qui comportait de grosses menaces à l’adresse du jeune homme, je crois que vous feriez bien de ne pas recommencer votre expérience… dans l’intérêt du Griqualand… et dans le vôtre aussi !

— Vraiment, monsieur ! riposta Cyprien. Je pense que je n’aurai point d’autorisation à vous demander à cet égard !

— Eh ! c’est vraiment l’heure de discuter là-dessus ! s’écria Mr. Watkins. Est-ce que monsieur Méré est seulement sûr de réussir dans un nouvel essai ? Un second diamant qui sortirait de son appareil aurait-il la couleur, le poids et par conséquent la valeur du premier ? Peut-il même répondre de pouvoir refaire une autre pierre, même d’un prix inférieur ? Est-ce que, dans sa réussite, il oserait affirmer qu’il n’y a pas eu une grande part de hasard ? »

Ce que disait John Watkins était trop raisonnable pour que le jeune ingénieur n’en fut pas frappé. Cela répondait, d’ailleurs, à bien des objections qu’il s’était faites. Son expérience s’expliquait parfaitement, sans doute, avec les données de la chimie moderne ; mais le hasard n’était-il pas intervenu pour beaucoup dans ce premier succès ? Et, s’il recommençait, était-il assuré de réussir une seconde fois ?