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dix heures en chasse.

« Eh bien, viendrez-vous ? demanda-t-il.

— Si vous y tenez !… répondis-je sans enthousiasme.

— Mais oui… mais oui !… Il faut avoir vu cela, au moins une fois dans sa vie. Nous partirons samedi soir. Je compte sur vous. »

Et voilà comment je fus engagé dans cette aventure, dont le funeste souvenir me poursuit encore.

J’avoue, cependant, que les préparatifs ne furent point pour m’inquiéter. Je n’en perdis pas une heure de sommeil. Et pourtant, s’il faut tout dire, le démon de la curiosité me piquait un peu. Était-ce donc si intéressant, une ouverture ? En tout cas, je me promettais, sinon d’agir, du moins d’observer en curieux les chasseurs autant que la chasse. Si je consentais à m’embarrasser d’une arme, c’était pour ne pas faire trop triste figure au milieu de ces Nemrods, dont l’ami Brétignot m’invitait à admirer les hauts faits.

Je dois dire, toutefois, que si Brétignot me prêtait un fusil, une poire à poudre, un sac à plomb, il n’avait pas été question du carnier. Je dus donc faire emplette de cet ustensile, dont la plupart des chasseurs pourraient si bien se passer. J’en cherchai un d’occasion. Inutile. Il y avait hausse sur les carniers. Tout était enlevé. Il me fallut en acheter un neuf, mais sous la condition expresse qu’on me le reprendrait, — à cinquante pour cent de perte, — s’il n’étrennait pas.

Le marchand me regarda, sourit, accepta.

Ce sourire ne me parut pas être de bon augure.

« Après tout, pensai-je, qui sait ? »

Oh ! vanité !


III


Au jour dit, la veille de l’ouverture, à six heures du soir, j’étais au rendez-vous que m’avait donné Brétignot sur la place Périgord. Là, je montais, moi huitième, sans compter les chiens, dans la rotonde de la diligence.

Brétignot et ses compagnons de chasse, — je n’osais encore me compter parmi eux, — étaient superbes sous le harnais traditionnel. Excellents types,