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être exagéraient-ils, mais jamais, non jamais ! ils ne s’étaient montrés si enthousiastes à l’endroit du phénomène. Il semblait que ce fût surtout pour eux, non pour miss Campbell, qu’on eût opéré tant de déplacements et subi tant d’épreuves, depuis le cottage d’Helensburgh jusqu’à Staffa, en passant par Iona et Oban !

En réalité, ce soir-là, le coucher du soleil promettait d’être si beau que le plus insensible, le plus positif, le plus prosaïque des marchands de la Cité ou des négociants de la Canongate eût admiré le panorama de mer qui se développait sous ses yeux.

Miss Campbell s’était sentie renaître dans cette atmosphère imprégnée des émanations salines que distillait une légère brise, venue du large. Ses beaux yeux s’ouvraient tout grands sur les premiers plans de l’Atlantique. À ses joues pâlies par la fatigue revenaient les couleurs rosées de son teint d’Écossaise ! Qu’elle était belle ainsi ! Que de charme se dégageait de sa personne ! Olivier Sinclair marchait un peu en arrière, la contemplant en silence, et lui, qui jusqu’alors l’accompagnait sans embarras dans ses longues promenades, maintenant troublé, l’angoisse au cœur, c’est à peine s’il osait la regarder !

Quant aux frères Melvill, ils étaient positivement aussi radieux que le soleil. Ils lui parlaient avec enthousiasme. Ils l’invitaient à se coucher sur un horizon sans brumes. Ils le suppliaient de leur envoyer son dernier rayon à la fin de ce beau jour.

Et les souvenirs des poésies ossianesques de s’échanger entre eux versets par versets.

« Ô toi qui roules au-dessus de nos têtes, rond comme le bouclier de nos pères, dis-nous d’où partent les rayons, ô divin soleil ! D’où vient ta lumière éternelle ?

« Tu t’avances dans ta beauté majestueuse ! Les étoiles disparaissent dans le firmament ! La lune pâle et froide se cache dans les ondes de l’occident ! Tu te meus seul, ô soleil !

« Qui pourrait être le compagnon de ta course ? La lune se perd dans les cieux : toi seul est toujours le même ! Tu te réjouis sans cesse dans ta carrière éclatante !

« Lorsque le tonnerre roule et que l’éclair vole, tu sors de la nue dans toute ta beauté, et tu ris de la tempête ! »

Tous, dans cette enthousiaste disposition d’esprit, allèrent ainsi vers l’extré-