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base, au caprice des angles sous lesquels la Clorinda l’ouvrait ou le fermait successivement.

Cependant, en dépit du jusant et de la brise, le yacht gagnait quelque peu. Lorsqu’il piquait vers l’ouest, en dehors des extrêmes pointes de Mull, la mer le secouait plus vivement, mais il se tenait gaillardement contre les premières lames du large ; puis, à la bordée suivante, il retrouvait des eaux tranquilles, qui le balançaient comme un berceau de baby.

Vers onze heures, la Clorinda s’était assez élevée au nord pour n’avoir plus qu’à laisser porter vers Staffa. Les écoutes furent mollies, la voile de flèche descendit de la tête du mât, et le capitaine prit ses dispositions pour le mouillage.

Il n’y a pas de port à Staffa, mais, par tous les vents, il est facile de se glisser le long des falaises de l’est, au milieu des roches capricieusement égrenées par quelque convulsion des périodes géologiques. Toutefois, avec grands mauvais temps, l’endroit ne serait pas tenable pour une embarcation d’un certain tonnage.

La Clorinda rangea donc d’assez près ce semis de basaltes noirs. Elle évolua adroitement, laissant d’un côté le roc de Bouchaillie, dont la mer, très basse en ce moment, laissait émerger les fûts prismatiques, groupés en faisceau, et, de l’autre côté, cette chaussée qui borde le littoral, à gauche. Là est le meilleur mouillage de l’îlot ; là, l’endroit où les embarcations qui ont amené les touristes viennent les reprendre, après leur promenade sur les hauteurs de Staffa.

La Clorinda pénétra dans une petite anse, presque à l’entrée de la grotte de Clam-Shell ; le pic s’inclina sous ses drisses larguées, la trinquette fut amenée, l’ancre tomba au poste de mouillage.

Un instant après, miss Campbell et ses compagnons débarquaient sur les premières marches de basalte, à gauche de la grotte. Un escalier de bois, muni de garde-fous, était là, qui montait de la première assise jusqu’au dos arrondi de l’île.

Tous le prirent et atteignirent le plateau supérieur.

Ils étaient enfin à Staffa, aussi en dehors du monde habité que si quelque tempête les eût jetés sur le plus désert des îlots du Pacifique.