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mouvementé d’Iona ; la mer, striée au loin par les caresses d’une jolie brise, semblaient renouveler leur aspect un peu triste et s’égayer sous des effets de soleil.

Ce n’était point le jour des visiteurs. Le steamer en avait débarqué une cinquantaine la veille ; il en débarquerait sans doute autant le lendemain ; mais, aujourd’hui, l’île d’Iona appartenait tout entière à ses nouveaux habitants. Les ruines seraient donc absolument désertes, lorsque les promeneurs y arriveraient.

La route se fit gaiement. La bonne humeur du frère Sam et du frère Sib avait gagné leurs compagnons. Ils causaient, allaient et venaient, s’éloignaient à travers les petits sentiers rocailleux, entre de basses murailles de pierres sèches.

Tout était donc pour le mieux, lorsqu’on s’arrêta d’abord en face du calvaire de Mac-Lean. Ce beau monolithe de granit rouge, haut de quatorze pieds, qui domine la chaussée de Main Street, est l’unique reste des trois cent soixante croix dont l’île fut hérissée jusqu’à l’époque de la Réforme, vers le milieu du xvie siècle.

Olivier Sinclair voulut, avec raison, prendre un croquis de ce monument, qui est d’un bon travail et produit un bel effet au milieu d’une aride plaine, tapissée d’herbe grisonnante.

Miss Campbell, les frères Melvill et lui se groupèrent donc à une cinquantaine de pas du calvaire, afin d’en avoir une vue d’ensemble. Olivier Sinclair s’assit sur le coin d’un petit mur, et commença à dessiner les premiers plans du terrain, sur lequel se dresse la croix de Mac-Lean.

Quelques instants après, il leur sembla à tous qu’une forme humaine s’essayait à gravir les premières assises de ce calvaire.

« Bon ! dit Olivier, que vient faire ici cet intrus ? Si encore il était habillé en moine, il ne ferait pas tache, et je pourrais le prosterner au pied de cette vieille croix !

— C’est un simple curieux qui va bien vous gêner, monsieur Sinclair, répondit miss Campbell.

— Mais n’est-ce point Aristobulus Ursiclos, qui nous a devancés ? dit le frère Sam.

— C’est bien lui ! » ajouta le frère Sib.

C’était Aristobulus Ursiclos, en effet. Monté sur le soubassement du calvaire, il l’attaquait à coups de marteau.