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la vie à iona.

tume, dame Bess et Partridge s’asseyaient à la table de leurs maîtres. Peut-être Aristobulus Ursiclos en marqua-t-il quelque surprise, mais Olivier Sinclair n’y trouva rien à redire. Il s’était déjà pris d’une sorte d’affection pour ces deux serviteurs, qui le lui rendaient bien.

Ce fut alors que la famille mena l’antique existence écossaise dans toute sa simplicité. Après les promenades sur l’île, après les conversations sur les choses du vieux temps, dans lesquelles Aristobulus Ursiclos ne manquait jamais de jeter inopportunément sa note moderne, on se réunissait au dîner de midi et au souper de huit heures du soir. Puis, le coucher du soleil, miss Campbell venait l’observer par tous les temps, même les temps couverts. Qui sait ! Une trouée pouvait se faire dans la basse zone des nuages, une fente, un hiatus, de quoi laisser passer le dernier rayon !

Et quels repas ! Les plus Calédoniens des convives de Walter Scott, à un dîner de Fergus Mac-Gregor, à un souper d’Oldbuck l’Antiquaire, n’auraient rien trouvé à reprendre aux mets apprêtés suivant la mode de la vieille Écosse. Dame Bess et Partridge, reportés à un siècle en arrière, se sentaient heureux comme s’ils eussent vécu au temps de leurs ancêtres. Le frère Sam et le frère Sib accueillaient avec un évident plaisir les combinaisons culinaires en usage autrefois dans la famille Melvill.

Et voici les propos qui couraient dans la salle basse, transformée en salle à manger.

« Un peu de ces « cakes » de farine d’avoine, bien autrement savoureux que les moelleux gâteaux de Glasgow !

— Un peu de ce « sowens », dont les montagnards se régalent encore dans les Highlands !

— Encore de ce « haggis », que notre grand poète Burns a dignement célébré dans ses vers comme le premier, le meilleur, le plus national des puddings écossais !

— Encore de ce « cockylecky ! » Si le coq en est un peu dur, les poireaux dont on l’accommode sont excellents !

— Et pour la troisième fois de ce « hotchpotch », plus réussi que n’importe quel potage de la cuisinière d’Helensburgh ! »

Ah ! l’on mangeait bien aux Armes de Duncan à la condition de s’approvisionner tous les deux jours à l’office des steamers, qui font le service des petites Hébrides ! Et l’on buvait bien aussi !

Il fallait voir les frères Melvill se faire raison, le verre en main, se porter santé